« Celui qui de sa journée n’a pas les deux tiers à soi est un esclave », disait Nietzsche. Allez un peu dire ça à mon patron…
Il y a des choses qu’on devrait faire et qui, pour un tas de raisons, toutes moins valables les unes que les autres, finissent par passer à la trappe. C’est la vie, diront les fatalistes.
Les journées ne durent que 24 heures. A peine le temps de dormir que c’est déjà le matin. Dring. Le réveil sonne. Levé, douché, habillé, petit-déjeuner. Le fiston à l’école. Tramway, boulot, tramway. Salle de jeux. Lego, Playmobil. Manger. Lire une histoire, câlin, dodo. Bloguer, glander, rêver. Procrastiner, oublier.
Ça leur fera de belles jambes, à Ought, de savoir que j’avais succombé aux sirènes de leur précédent EP, New Calm. Je l’ai remâchée cent fois, mille fois, ma chronique. Elle était là, en train de s’écrire, dans un coin de ma tête. Et puis, j’ai attendu, attendu, elle n’est jamais venue, comme dit la chanson. Zaï, zaï, zaï, zaï.
You ought to, que je me disais. Ought : verbe auxiliaire indiquant l’obligation morale ou sociale mais aussi la qualité probable, raisonnable ou naturelle d’une action… Je ne me cherche pas d’excuses. Je suis impardonnable.
Je suis impardonnable mais je l’aurais été bien plus encore , ami lecteur, si je ne t’avais parlé de la sortie de leur nouvel EP, More Than Any Other Day, prélude à un album prévu pour le printemps 2014. Si je ne t’avais pas mis la puce à l’oreille, c’est bien simple : je crois que je n’aurais plus osé me regarder dans une glace.
Parce que peu de gens le savent. Sans doute même pas eux. Mais Ought a tout pour devenir le plus grand groupe de rock du monde. Écoute-les, ami lecteur, et tu comprendras. Tout y est. La rage. L’urgence qui sied au vrai rock’n’roll. Cette voix qui chante comme si c’était une question de vie ou de mort. Imagine une sorte de Lou Reed surcaféiné émanant d’un chaos subtilement agencé par quelque architecte fou ou en passe de le devenir.
Il règne chez Ought un équilibre bancal, une élégante confusion. On y entendra, si l’on veut y prêter attention, du Talking Heads ou du Sonic Youth mais on s’en foutra royalement parce que les Montréalais sont trop habiles pour laisser suinter si facilement ses influences.
Ought fonce bille en tête. Quand ils choisissent un chemin, ils l’explorent dans les moindres recoins. Quand ils ont une idée en tête, ils l’exploitent sans inhibition. Leur musique ne s’insinue pas mollement dans tes oreilles. Elle entre en collision, elle te percute, te fout le bide en vrac. Le plus grand groupe du rock du monde, je te dis.