Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.61 : Nerves Junior

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Que faisiez-vous en septembre 2011? Vous ne vous souvenez pas? Moi non plus. Nous étions là, vous et moi, de retour des congés estivaux, la peau brunie par les assauts du soleil, le moral requinqué par ces quelques semaines d’insouciance balnéaire. Enfin, quand je dis balnéaire, moi, j’étais dans le Doubs donc, pour ce qui est planter de parasol dans le sable fin et contemplation oisive d’étendue d’eau salée, je repasserai. J’éprouve toujours, au sortir des vacances, un mélange d’euphorie et d’abattement. Comme les gosses. Content de retrouver les collègues mais aussi enthousiaste, au moment de me replonger dans les dossiers, qu’un condamné à mort devant un peloton d’exécution. Côté musique, aussi, c’est la rentrée, avec son lot de sorties annuelles. Il y en pour tous les goûts. Du bon, du moins bon, du très mauvais. Ça va tellement vite que même le mélomane obsessionnel compulsif que je suis est submergé par ce flot intense d’ondes sonores. Difficile, dans ces conditions, de ne pas laisser filer des disques qui mériteraient un bien meilleur sort. Séance de rattrapage aujourd’hui avec l’un de ces chefs-d’oeuvre passés entre les mailles du filet. Le magistral premier album de Nerves Junior, obscur (peut-être plus pour très longtemps!) quartette originaire de Louisville, Kentucky, valait bien qu’on s’y attarde un peu plus longuement. As Bright as Your Night Light est en effet au moins aussi brillant que son titre semble l’indiquer. Espérons pour eux que ce coup d’essai génial ne reste pas cantonné aux compilations de trésors cachés et que, au contraire, le groupe obtiendra le succès et l’estime qu’il mérite.
Nerves Junior, c’est bien la preuve que, dans le Kentucky, il n’y a pas que des poulets frits, il y a aussi d’excellents musiciens, de ceux qui sont capables de donner une nouvelle impulsion à une scène locale un peu redondante. D’aucuns, plus perspicaces que moi, qui avaient chroniqué l’album dès sa sortie, ne s’arrêtent d’ailleurs pas aux frontières du Kentucky et promettent au groupe un destin planétaire. Les comparaisons flatteuses pleuvent sur nos quatre garçons dans le vent. Certains font même le parallèle entre As Bright as Your Night Light et le légendaire Kid A qui avait marqué le tournant électronique de Radiohead. C’est sans doute exagéré car Kid A, en son temps, témoignait d’un véritable changement d’orientation musicale, d’une prise de conscience de la part d’une formation déjà au sommet de la nécessité de marier sonorités rock et musique électro. Kid A, c’était l’émergence d’un nouveau paradigme dans l’histoire de la musique. Aujourd’hui, alors que le troisième millénaire bat son plein, utiliser du matériel analogique dans un album de rock ne relève plus vraiment de l’exception ou de la nouveauté. Certes, il y a une filiation évidente. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Nerves Junior, à l’occasion d’un festival de reprises en octobre dernier, a fait le choix de reprendre l’album de la bande à Yorke et Greenwood dans son intégralité. Hommage aux précurseurs! Les similitudes entre les deux groupes résident surtout dans leur approche de la création artistique. On retrouve chez les Américains et les Britanniques cette même obsession de l’exploration, ce goût accru pour les textures complexes et les effets sonores, cette même volonté de pousser chaque instrument au maximum de ses possibilités, cette faculté impressionnante à exceller aussi bien sur des morceaux nerveux et foisonnants que sur des titres plus calmes, plus en retenue. D’ailleurs, pour un premier album, Nerves Junior affiche une étonnante maturité. Après une entrée en matière splendide, Champagne & Peaches, pour se mettre l’eau à la bouche, suivie de trois bombes de frappe tonitruantes, au lieu de se perdre dans la surenchère, ils calment le tempo et se fendent de deux ballades énormissimes, qui permettent à l’auditeur de respirer et de se refaire la cerise avant le bouquet final. Pour un coup d’essai, As Bright as Your Night Light est un coup de maître. Outre le parallèle avec Radiohead, Nerves Junior fait aussi penser à Kasabian dans sa capacité à créer un déluge sonore sans balancer des riffs de cowboys. Mais, ce qui impressionne chez cette jeune formation, c’est surtout de constater à quel point ils sont capables de digérer les influences pour produire un son original en phase avec ce que devrait être le rock des années 2010. Je vous laisse vous faire votre idée, mais, à mon avis, on en entendra bientôt parler…

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