Autant, la plupart du temps, nouvelles technologies aidant, il est relativement facile pour un chroniqueur musical de se procurer des informations sur les artistes, autant, parfois, l’écriture d’une critique peut se muer en une authentique gageure. Confortablement calé au fond de votre canapé, vous vous imaginez sans doute que le moindre créateur de sons s’étale en long, en large et en travers sur le web, possède un site, un compte sur les réseaux sociaux et fait l’objet d’un dossier de presse et de dizaines de critiques bien huilées dans lesquelles il ne resterait plus qu’à picorer. A la lecture de certains magazines, on serait effectivement tenté de le penser. Mais, quand on se veut, comme moi, dénicheur de talents, il faut parfois y aller au forceps pour accoucher d’une chronique pertinente tant les données exploitables sont rares voire inexistantes. Back to basics! La musique en elle-même comme seule matière première. Si vous y ajoutez une propension naturelle à vendre du rêve et trois ans d’études en marketing/communication pour apprendre à dire beaucoup avec pas grand-chose, vous pouvez vous en sortir avec les honneurs. Avouez qu’il serait quand même bien dommage de passer sous silence Tom Bradbury au seul motif qu’il n’a pas, comme d’autres, cherché à se faire mousser sur le Net.
Tout ce que je sais de lui, c’est qu’il a un nom de famille très répandu dans les pays anglo-saxons, qu’il est originaire de Melbourne, que la photo de couverture de sa page Facebook personnelle montre un mur sur lequel est écrit en grand le début des paroles de Space Oddity et que j’ai évalué notre compatibilité en termes de goûts musicaux à environ 93%. Bref, un garçon qui m’a l’air tout à fait charmant et recommandable. S’il ne vivait pas à l’autre bout de la planète, nous aurions certainement pu devenir amis. Nous aurions partagé quelques bières et tapé des boeufs tous les deux en toute décontraction, sans déranger les défenseurs des animaux. Ami lecteur, si tu n’as pas compris la phrase précédente, n’hésite pas à prendre contact avec le SAV. Enfin, bref, trêve de plaisanteries. Lui aurait joué de la guitare et moi, j’aurais fini les canettes en parfaite harmonie. Que du bonheur! D’ailleurs, si un généreux mécène se porte volontaire pour m’offrir le voyage, je pars dès demain matin, direction Melbourne. Mais, puisque les généreux mécènes ne courent pas les rues, je me contenterai de m’évader en musique avec l’excellent EP de Tom, Dream About A Girl. Un EP sorti en décembre dernier, c’est-à-dire en plein été australien, et qui sent bon le sable chaud, le dépaysement, et même la faille spatio-temporelle. Enregistré avec plus d’amplis que de guitares, Dream About A Girl montre une connaissance encyclopédique de la pop de ces cinquante dernières années. La musique de Tom Bradbury est une sorte de croisement entre le Neil Young des débuts et Ariel Pink’s Haunted Graffiti avec une plus grande sensibilité pop. Des compositions soignées qui semblent surfer entre des vagues d’effets sonores. C’est exactement ce que j’aurais envie d’entendre si je passais ma soirée sur la plage avec une bande de potes. Cette musique porte en elle une extrême coolitude. Il s’en dégage une impression de chaleur et d’insouciance, une invitation à profiter de l’instant sans se prendre la tête et, pour tout dire, une certaine idée du bonheur. C’est clair, net, précis, ça ne triche pas, ça va droit au but et ça rend heureux. Merci, M. Bradbury…