Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.82 : Dandelion

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Je ne dois pas être normal. Quand je jette un regard en coin aux copies de mes voisins, je constate que tous, sans exception ou presque, du plus petit écrivaillon musical aux plumes les plus prestigieuses de la profession, se lancent dans des chroniques élogieuses, enflammées, dithyrambiques du nouvel album de Grizzly Bear, Shields. L’objet n’est pas encore sorti que chacun se fait fort de l’ausculter, de l’analyser, de le disséquer. Et moi, pendant ce temps-là, vilain petit canard, je ne pipe pas mot. Faudrait-il pour vous plaire que j’ajoutasse ma voix au concert de louanges dont ce disque est déjà l’objet? Faudrait-il que je soulignasse, avec force superlatifs et imparfaits du subjonctif, combien l’album en question est digne d’être aimé, grandiose, mirifique? Je laisse ce plaisir à d’autres, plus qualifiés que moi. Aux surfeurs de mers calmes, aux enculeurs de mouches, aux enfonceurs de portes ouvertes, aux diseurs de lapalissades, à ceux qui préfèrent copier-coller les dossiers de presse plutôt que de creuser pour mettre à jour de nouveaux talents, à ceux qui voudraient faire d’une petite actrice à la mode une héroïne de la musique indépendante alors que, dans le même temps, des artistes anonymes composent la musique que vous avez toujours rêvé d’entendre. Merci, je ne mange pas de ce pain-là. Pour moi, la musique n’est pas une question d’étiquettes ou de cases qu’on remplit. Ce n’est jamais que de l’air qui vibre et des émotions. Quand j’ai entendu pour la première fois Dandelion, je me trouvais devant une page blanche. Pas de lien vers un site, un Facebook, une page promotionnelle, aucune indication sur l’identité du ou des musiciens. Juste ce morceau, Dig, et les émotions qu’il suscitait en moi. Un rapport immédiat, authentique, non pollué à la musique. Il n’en fallait pas plus pour tomber sous le charme. Je suis en apesanteur. Je vole au-dessus des nuages. Pour un peu, j’embrasserais mon voisin acariâtre sur les deux joues.

Sous le pseudonyme de Dandelion se cache un musicien de 23 ans basé à Paris, Thomas Subiranin. Tombé très jeune dans la grande marmite musicale, il suit d’abord une formation classique en clarinette avant de se tourner vers la guitare. Adolescent, il joue dans plusieurs groupes de rock, améliore sa technique et en profite pour se familiariser avec d’autres instruments. Lorsqu’il déménage et se trouve privé d’instruments, il se met à la musique électronique, puisant ses influences dans le catalogue du label Warp mais aussi dans la techno et l’ambient. Il monte un groupe de musique électronique avec deux amis, produit des morceaux, fait des remix, des DJ sets mais, très vite, le projet se dissout. Thomas revient alors à ses amours adolescentes, ressort ses vieilles guitares et enregistre ses premiers morceaux. Un processus nécessairement long puisqu’il travaille seul, joue tous les instruments et se laisse le temps d’explorer plusieurs pistes avec un matériel limité. Un côté artisanal pleinement assumé qui n’empêche pas Thomas d’être perfectionniste et de remettre sur le métier cent fois son ouvrage. De fait, Dig est un morceau qui trouve le juste milieu entre évidence pop et désir d’expérimentation. Il en émane un mélange de joie simple teintée de douce mélancolie, un grisant sentiment de légèreté, l’impression de flotter dans l’air comme une bulle de savon. Il y a un je ne sais quoi d’un peu bancal qui rend l’équilibre de la chanson précaire mais, au final, c’est précisément cette fragilité qui fait tout son charme et la rend si attrayante. Une sorte de candeur enfantine qui m’a fait penser à ce que peut faire un Connan Mockasin. Une référence que Thomas ne renierait sans doute pas. Reste encore à confirmer ces bonnes dispositions sur un format plus large et à défendre ses morceaux en live. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Il en a assurément le talent…

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