Les trésors cachés – Ep. 8 : Birdengine – The Crooked Mile

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En matière de découverte musicale, pour peu que vous manifestiez un minimum de curiosité, tout est question de capillarité. Imaginez que vous êtes dans un manoir gigantesque. Vous ouvrez une porte et pénétrez dans une pièce. Au fond de cette pièce se trouve une autre porte qui, à son tour, s’ouvre sur un couloir donnant accès à d’autres pièces. Vous l’ignorez encore à ce stade mais il y a toutes les chances que, dans l’une d’entre elles, sommeille un trésor enfoui sous une large couche de poussière, ne demandant qu’à être découvert, une princesse endormie n’attendant que le baiser du prince charmant qui viendra lui redonner vie. Vous tâtonnez dans l’obscurité, rôdez sur le palier, actionnez une clenche après l’autre. Vous ne le savez pas encore mais il est tout à fait possible que ce que vous vous apprêtez à entendre, cette douce musique sortie du tombeau de l’oubli, vienne bousculer vos certitudes et susciter en vous le sentiment d’une richesse insoupçonnée. Il y a quelques jours, à la tombée de la nuit, j’errais sans but précis dans les couloirs du manoir cybernétique de Bandcamp, quand soudain je tombai nez à nez avec ce drôle d’engin volant, Birdengine, oiseau rare déployant une musique envoûtante, enveloppée d’un halo de clarté obscure. Que de chemins de traverse, que de routes étroites et sinueuses pour, en bout de course, dénicher ce chef-d’œuvre de bizarrerie folk. Et quelle récompense, au final!
Birdengine. Rien que le nom évoque un étrange croisement de chair et de rouages. Quelque chose d’irréellement beau et glacé à la fois, mi-organique, mi-mécanique. Quoi de plus juste pour désigner la musique de Lawry Joseph Tilbury? Parfait mélange d’instrumentations surnaturelles et inquiétantes et de chant chaleureux et quasi-surhumain, The Crooked Mile est un album aux mille richesses, toujours surprenant, toujours inattendu et d’une beauté à vous glacer le sang. Dès les premières notes, on se trouve plongé dans un univers sombre et intrigant. On y croise des fantômes et des êtres monstrueux, on y perd peu à peu l’esprit, on se laisse happer par l’atmosphère de folie qui émane du disque. Après deux EP et un mini-album très réussi, dans lequel il était déjà question de couper des têtes de chiens avant de les recoudre, Tilbury prouve à nouveau qu’il n’a pas son pareil pour enrôler l’auditeur dans une caravane de l’étrange. Si malaise il y a, il est de courte durée tant la voix du chanteur de Brighton est capable d’envolées exceptionnelles, passant d’une gravité solennelle à un falsetto opératique en un quart de seconde. La puissance d’évocation et la théâtralité qui s’en dégagent confèrent une force inouïe à chacun des morceaux. Contes de fée pour les déments, berceuses pour endormir les morts-vivants, Tilbury a le don de rendre ses compositions terriblement inquiétantes et indéniablement excitantes à la fois. Une musique qui vous donnera peut-être la chair de poule, dont vous ne sortirez pas nécessairement indemne mais à laquelle, très vite, pour peu que vous appreniez à l’apprivoiser, vous deviendrez complétement accro. Et dire qu’on avait manqué ça! Certainement l’un des plus beaux disques sortis l’année dernière. Pour vous en convaincre, voici l’album en version intégrale mais, bien sûr, vous allez me dire que je radote, mais achetez les disques pour soutenir les artistes…

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