Manuel Etienne, ex Toxic Kiss, sort Ni pluies ni riens, un grand disque de rock en français qui tombe sous le sens.
Ni pluies ni riens…
A l’est, le soleil se lève. Moi, je ne fais que tomber. Amoureux. A la renverse. Dans l’oubli. La mer est loin déjà. L’été s’est éteint depuis longtemps. Les lumières de la ville m’enveloppent de leur pâleur factice. Ici, je ne sais même plus ce qui est vrai. Alors, je ferme les yeux et je nous revois, courant au bord des falaises, le vent dans les cheveux. J’entends ton rire qui caresse mes cicatrices. Il faisait beau ce jour-là. Nos semelles ne pesaient rien du tout. De l’amour… comme s’il en pleuvait.
Je garde les yeux fermés mais, sur ma peau, ne tombent plus Ni pluies ni riens. Même mes souvenirs commencent à s’estomper. Des ombres sur une plage embrumée. Des oiseaux qui volent bas, comme s’ils allaient s’écraser. Et c’est à peu près tout. Je pourrais me lever tôt. Prendre le train de 7h57. J’arriverais en fin d’après-midi. Est-ce que tu serais là ? Est-ce que je t’ai rêvée ? Je m’endors lourdement, comme hier. Demain arrive toujours trop tard. Le soleil se couche à l’est et j’écoute Manuel Etienne.
Le spleen élégant de Manuel Etienne
Ce n’est pas la première fois que je croise Manuel Etienne. J’avais déjà succombé à Vaudémont, son précédent album. Je ne suis pas tombé de la dernière pluie. Si les disques de Manuel Etienne me mettent dans cet état, ce n’est pas un hasard. Ce spleen d’outsider, perdu dans une ville trop grande et trop froide pour lui, c’est aussi le mien. Les grands disques ne parlent pas de leurs auteurs, ils vous parlent de vous. Ils se tendent comme des miroirs ou des élastiques et vous renvoient à vos propres démons.
Ni pluies ni riens n’échappe pas à la règle. Sur ce troisième album, Manuel Etienne franchit encore un pallier supplémentaire. Sa voix, toujours aussi sensible et délicate, a gagné en assurance. Elle tranche souvent avec des riffs de guitare acérés, qui zèbrent le ciel bleu d’éclairs menaçants. Manuel Etienne est comme un funambule en équilibre sur un fil barbelé. Puisqu’il faut vivre, autant que ce soit intense, semble-t-il penser. Mais, ici, intense ne veut pas dire rêche.
Musicalement, Ni pluies ni riens est bien plus abouti que son prédécesseur. Les rugosités qui subsistaient sur Vaudémont sont balancées par la qualité des arrangements. L’émotion, elle, reste intacte. Le spleen élégant de Manuel Etienne fait mouche à chaque piste tout en montrant une réelle capacité à se remettre en question. Au fur et à mesure que le disque avance, on se dit que Manuel Etienne est le chaînon manquant entre Diabologum et David Bowie.