Toute ma jeunesse : Pulp – Different Class

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Avez-vous déjà été adolescent? Si oui, à moins que vous ne fassiez partie d’une élite particulièrement gâtée par la nature, vous avez dû faire l’expérience amère d’envisager avec appétit les charmes de l’autre sexe alors même que votre potentiel de séduction atteignait des profondeurs abyssales. Certes, la masturbation stimule l’imagination mais, appelons un chat un chat, vous auriez quand même bien aimé vous la taper, la reine de beauté de votre classe. Avouez que vous n’étiez pas insensible quand, en cours d’EPS, elle agitait ses petites fesses moulées dans un collant de sport violet (vive les années 90!) au seul et unique motif de renvoyer, au terme d’une gracieuse arabesque, un volatile de plumes plastiques par-delà un hypothétique filet. La nuit venue, votre tête de TI-92 dissimulée par l’obscurité, vous deveniez prince charmant ou acteur de films X, froissant les draps de votre lit et déversant dans vos chaussettes l’amour à sens unique et la frustration accumulée. Elle, au bras de quelque surfeur sans cervelle, vous ignorait superbement, sauf quand il s’agissait de vous pomper…les réponses de l’interro de maths – qu’alliez-vous encore imaginer? Affublé de joues en floraison, de verres en culs de bouteille et de dents grillagées, pas facile d’espérer autre chose qu’un statut d’outsider perpétuel. En 1995, en plein émoi adolescent, à la recherche d’un mince espoir auquel m’accrocher, je découvre Pulp, un groupe britannique dont la trajectoire est à peu près similaire à la mienne.

Éternel second couteau derrière les surfeurs des plages que sont alors Oasis et Blur, Pulp en est réduit à une relative confidentialité. Délaissé, raillé, sous-estimé comme un camarade de classe ringard qu’on n’invite jamais aux soirées, le groupe de Jarvis Cocker va tout à coup sortir de l’ombre. Jarvis lui-même, sorte de grand échalas, mix entre Frédéric Beigbeder et Pierre Palmade, va en deux coups de cuiller à pot devenir terriblement sexy. Cette soudaine reconnaissance est due à la conjonction de plusieurs facteurs déterminants: l’exacerbation jusqu’au grotesque de la guéguerre fratricide qui oppose les deux mastodontes de la Britpop Blur et Oasis, auxquels Pulp finira par constituer une alternative plus que crédible (Pulp remportera le prestigieux Mercury Prize en 1996 devant la concurrence du Morning Glory des frères Gallagher), le succès de ce qui reste encore aujourd’hui l’un des plus grands hymnes de la Britpop, un morceau à la fois en et hors du temps, Common People, qui atteint la deuxième place des charts, et la performance éblouissante de la bande à Jarvis au festival de Glastonbury, après avoir remplacé au pied levé les Stone Roses. Pulp  déjoue alors tous les pronostics et atteint un statut nouveau, qui surpasse de loin toutes les attentes suscitées par ses précédentes tentatives. L’album Different Class est un concentré d’élégance pop. Des chansons finement ciselées, magnifiquement arrangées, des mélodies catchy à souhait, un chant suave et sexy, des paroles intelligentes qui reposent sur une rare faculté d’observation de la société; il n’en fallait pas plus pour affoler mon petit cœur fragile. 17 ans, un peu de bide et quelques rides plus tard, le disque n’a pas vieilli et demeure plus que jamais un album de toute première classe, à mettre entre toutes les oreilles.

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