Train en retard, arbres moroses par la fenêtre. Crottes de chiens, tronches de six pieds de long. Bonjour Paris. Taxi patibulaire. Séminaire commercial. Des chiffres et des mots. Petits chiffres, grands maux. Visages fermés, nœuds de cravates serrés sous têtes de nœuds. Grises mines dirigeantes. Ça ne va pas, mais alors pas du tout. Il faut agir vite. Moi, je préfèrerais écouter siffler les oiseaux. Mais c’est Paris, il n’y a plus d’oiseaux. Juste des pigeons dégueulasses. Égos gonflés, idées courtes, minutes qui s’étirent. De quoi parle-t-on au juste ? Je ne sais pas, j’ai oublié. Mauvais film aux personnages caricaturaux. Mon corps? Présent ! Mon esprit est déjà loin. Sur une plage de sable fin, des mouettes rieuses tournoient à tire-d’aile. Des enfants agitent des cerfs-volants. Coup de coude. Oui, c’est à vous que je parle. C’était quoi, déjà, la question ?  Je me concentre de toutes mes forces. Mais, rien n’y fait, ma place est ailleurs. Ils veulent que tout soit monochrome mais moi, je vois des arcs-en-ciel de couleurs flamboyantes s’agiter tout autour. Et cette musique, comme un talisman, qui ne me quitte plus depuis quelques jours. Phyltre. Comme un phyltre d’amour. Un grand cocktail multicolore avec un petit parasol en papier par-dessus.

Ils sont quatre et ils viennent d’Avignon. Ils chantent en français et, franchement, ami lecteur, avec un son pareil, je les crois volontiers capables des plus grands exploits, tu sais, des trucs du genre mettre en émoi toute une maison de retraite. Essaye chez toi, si tu as une grand-mère sous la main. En moins de deux, elle aura balancé au diable-vauvert son déambulateur pour danser à s’en faire péter le coccyx en criant fuck à la mort. Tu crois que j’exagère ? Écoute bien leur dernier EP Transferts. Y a rien à jeter là-dedans. Quatre titres, quatre tueries que tu chantonneras (avec mémé) pour mettre du soleil dans tes longues soirées d’hiver. Phyltre est d’une originalité et d’une fraîcheur revigorantes. Le genre de trucs qui te dégourdit les esgourdes quand elles commencent à s’encroûter. Synthèse heureuse des années 80 et des années 2010, grand écart parfait entre “Michel Berger et LCD Soundsystem” dit leur bio, la musique du quatuor ne souffre d’aucune contestation. Mélodies sexy et irrésistibles, paroles tout sauf anecdotiques, énergie communicative ou mélancolie joyeuse, chacun trouvera son compte dans cet univers chatoyant. Phyltre est un groupe qui, en envoyant valser toutes les étiquettes, pourrait bien se concilier les grâces d’un public large et amoureux. Leur premier album, prévu en courant d’année, est d’ores et déjà aux avant-postes dans ma wishlist 2013. C’est certain, on en reparlera !