J’ai interviewé : Vagina Town

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Ce qu’il y a de bien avec Vagina Town, c’est qu’en plus d’être le groupe de rock le plus hautement jouissif de ce côté-ci du globe, ils font eux-mêmes les lancements d’interview. Je laisse donc Jérem planter le décor, non sans vous avoir invité à jeter une oreille attentive à la musique du groupe.
Salut Cédric , on arrive, on arrive !
Ding Dong!

Bon alors, on a deux options merdiques. Commencer par te répondre en mode calembour de jmenfoutiste éméché genre: “C’est où Vagina Town ? – C’est là !” ou à l’inverse te pondre un semi roman façon étudiant nombriliste : “Dés mon plus jeune âge, du côté de Guermantes, où quand le soleil darde ses rayons augurant les moissons d’Automne (c’est en automne les moissons ? ) l’on devine l’excitation des ecclésiastes qui préparent leurs messes comme se fardent les gourgandines …j’ai toujours su que Vagina Town … oh pis merde”

…Alors on va tenter une sorte d’équilibre entre les deux pour pas se foutre de ta gueule tout en t’épargnant l’introspection en 22 tomes, sauf si tu fais payer la consult’, auquel cas…

Allez , on va commencer par fumer un petit joint dans ton canapé, parce qu’on en fume 50 par jours, et écouter un disque de… Kap Bambino… Euh… bah non en fait, Robert Johnson plutôt. C’est parti…

J’ai pas trouvé Vagina Town sur mon GPS. Alors dites-moi, elle se trouve où, cette contrée merveilleuse?
Alors Vagina Town , c’est où ? Nulle part ! Parce que si on pouvait jouir de cette florissante cité ici-bas, je me ferais pas chier à faire quoi que ce soit , je m’y blottirais en attendant la mort. Mais fort heureusement, cette ville n’est pas seulement imaginaire, elle existe aussi un peu partout où la sexualité fait planer le trouble sur l’ordre social. En l’occurrence, à beaucoup d’égards, c’est la sexualité féminine qui remplit le mieux cet office. Dès lors qu’une nana commence à exprimer et à assumer une boulimie ou un simple appétit sexuel, ça commence à partir en couille … C’est là que ça devient intéressant.
Et puis il y a le coté assez “universel” de la sexualité et des interdits qui l’entourent… Le Sexe, libéré de la procréation, c’est une religion qui grandit … un mouvement inéluctable d’aller et retour … Depuis que Dieu est mort, le Sexe n’a jamais été aussi vivant. Même si Vagina révère les salopes de toutes confessions
Alors évidemment pour qu’on puisse entendre ce discours, qui est plus une invocation qu’un constat, il faudrait vite se débarrasser des vendeurs de yaourts au bifidus et de tous ceux qui pervertissent l’inconscient érotique en l’utilisant pour accroitre leur profit. Autant dire que y a du taf …
J’ai entendu dire qu’il y faisait chaud et humide. Une bonne destination pour les vacances?
Chaud et humide ? Oui c’est souvent le cas, de mon expérience en tous cas,… l’obscurité qui amène le soleil dans les cœurs. Une bonne destination pour les vacances…? Oui, mais en toute logique, après y avoir gouté, t’appelles illico Josiane de la compta pour lui dire que tu reviendras pas lundi et qu’elle peut préparer le solde de tout compte…
Bon, je vais quand même poser des questions sérieuses : d’où vient le nom du groupe?
Le nom du groupe, comme tu as sûrement dû t’en rendre compte, vient d’un épisode de Californication qui lui-même reprend le titre d’un porno US eighties. La grande période des brushings, des VF faites en 7 minutes douche comprise, et où il semble que tous les vendeurs de cire dépilatoire du pays aient été en prison à ce moment là…. Il s’avère simplement qu’on matait Californication au moment où on cherchait un nom, et que ça nous a plu… (Y avait aussi “Ravachol Crack” en lice si ma mémoire est bonne… on a bien fait de choisir Vagina…) . Après on partage pas grand chose avec la série. Certes ça parle de cul tout le temps, c’est très inspiré de Bukowski et de John Fante par exemple… Mais c’est trop centré sur une frange pourrie gâtée de la bourgeoisie californienne pour qu’on veuille s’en réclamer. Ils nous font chier avec leurs histoire de famille, d’agents, de show business, leur cynisme, leur psychologie de bas étage érigée en style de vie… A quelques kilomètres de chez eux, South Central, drogues, gangs, prostitution, une espérance de vie comparable aux pays les plus pauvres du tiers monde. … .Vagina Town donc, ça sera plutôt le vieux porno eighties que tu planquais sous ton lit quand tu ne soupçonnais pas qu’Internet allait un jour faire exploser la boite de Pandore. 
Vous êtes, si j’ai tout bien compris, un couple (+ un batteur). Est-ce que c’est facile de travailler ensemble sans s’engueuler?
Bon on attaque la question de la formation, pas très funky à raconter, donc j’essaie de faire vite. On a commencé, Gina et moi, en mai 2009. Formation basse-guitare-boite à rythme, hyper crade, des pop songs ramonesiennes jouées à la Guitar Wolf… On a enregistré notre premier disque, LSD, avec cette formule. Un label nantais a eu le bon goût de nous aider à le sortir. D’ailleurs je te le conseille vivement ce label, Kizmiaz Records. C’est deux tarés, affiliés à la scène garage mais avec les oreilles grandes ouvertes, ils hésitent pas à sortir des sentiers battus et ça c’est cool !
Puis, à force de jouer dans des bars et des caves pourries sans sondier et une demi-enceinte, on en a eu marre. Marre aussi de passer des heures à programmer des rythmiques sur un ordi (pourri, qui plus est)… Fuck off, il faut se poser là où on joue, pas de balances ? Ok . 1234 ! Du coup, on a rencontré Pim notre premier batteur avec qui on a joué un peu plus d’un an (de fin 2010 à janvier 2012). C’est avec lui qu’on a enregistré notre second skeud, Dope For Christmas fin 2011. On a enchainé tournée, enregistrement, mixage pendant un mois super intense. Et finalement, on s’entendait plus assez pour continuer. Au bout d’un moment, c’est important d’être vraiment proches musicalement, humainement. Et là ça le faisait plus. Bon, c’est pas forcément un truc que j’ai envie de mettre en avant, mais voilà en gros. Depuis janvier 2012 on a eu des mois sans batteur, des essais de batteurs jamais concluants soit humainement, soit musicalement… un peu désespérant au bout d’un moment… On a fait une tournée à cheval sur Septembre-Octobre (2012) avec un pote qui a pris le manche, enfin les baguettes, mais qui habite sur Rennes et pas assez dispo pour continuer avec nous après ça.
Mais !!!! , ….. à cette occasion, on a racolé une charmante jeune fille qui répond au doux nom de Rachel et qui s’avère être une claviériste confirmée, et qui par ailleurs joue avec Gina dans un autre groupe ,100% filles, appelé “Sucette” ( …) . On a fait cette tournée à quatre donc.
Et on l’a gardée avec nous notre Rachou. On avait déjà fait des trucs avec de l’orgue sur certains enregistrements et elle est tellement cool que ça nous semblait évident.
2013 … Depuis un mois, c’est reparti !! On a rencontré un batteur, Jérémie, mon homonyme. Et là ça se passe hyper bien, donc on est en train de tout remettre en place… Enfin ! Ouf … 
Est-ce que c’est facile de travailler ensemble sans s’engueuler ? Nan, c’est hyper dur … ! Le mieux, c’est de bien s’engueuler… pour des trucs qui valent le coup . Mais bon… ça permet aussi un câlin de réconciliation après…
Qu’est-ce qui vous a décidé à monter un projet musical ensemble?
Ce qui nous a décidé à faire un truc ensemble ? Bon je parle pour Gina et moi. Faut que tu saches qu’on est ensemble depuis 1999 … donc c’est plutôt le fait que ça n’ait pas eu lieu plus tôt qui est étonnant. C’est arrivé à un moment où nos groupes respectifs se cassaient la gueule. On se retrouvait sur notre envie de faire un groupe qui nous permettrait de voyager, de sortir de notre RMI, du quotidien des bars de Nantes. Par ailleurs, on organisait à l’époque des concerts dans un squatt, expulsé en début 2011 : “Le Fouloir”, lieu mythique -en toute modestie- de la scène locale, où les groupes jouaient dans une piscine couverte. Donc on était en permanence entourés de Nantais qui partaient en tournée et de groupes qui venaient jouer à Nantes. On ne voyait qu’une chose à faire, grossir les rangs de cette bohème hirsute. Qu’est ce qu’on avait à perdre ?
Vos principales influences? Les Cramps?
Au niveau des influences, maintenant qu’on est quatre c’est vraiment dur à dire tellement c’est varié. Je pense qu’on est pas des gens qui s’attachent particulièrement à UNE scène. Au niveau de nos fréquentations idem. Rachel écoute énormément de trucs différents, c’est une musicienne, une vraie. Avec Méliss, on a nos périodes… mais vraiment ça peut être du hip hop, de la soul 60’s, du vieux blues cradingue, de la vieille country yodle des années 20, du psyché, du kraut rock, du boogie woogie, de la musique expérimentale, de la musique de Kebab… Par contre, on peut aussi dire que Gina et moi DÉTESTONS la chanson française, le ska-festif, le jazz manouche, la vogue musique des balkans …. sauf exception hein,… même si là j’en vois pas. On a beau faire des efforts de temps en temps, c’est des univers qui nous ressemblent pas …y a pas à chier…
L’influence des Cramps se situerait plus sur le rapport à la musique et au monde qu’aux morceaux à proprement parler. L’aventure de couple jamais aussi romantique que dans la célébration de la luxure, un éloge perpétuel des libérateurs de dopamine… la drogue, le sexe notamment … et les histoires tordues.
Mais oui, ça fait des années qu’on écoute les Cramps, on a eu la chance de les voir en concert avant que Lux ne meurt … Et depuis avec Vagina, on a joué deux fois avec Kid Congo (guitariste successif de Gun Club, Cramps et Bad Seeds…) Truc de taré… J’ai touché la main du mec qui touchait tous les jours le mec qui avait un accès quotidien au mont de Venus de Poison Ivy !!!! Moi Fétichiste ? Mmmmm … Sinon, au passage, je te conseille vivement la bio du groupe par Alan Feidri, c’est juste trop mortel !!! Y a tout… Le bouquin est un patchwork de vignettes, de tarés, de héros oubliés du Rock N’ Roll… Une histoire souterraine et populaire des Etats-Unis. Les Cramps t’aident beaucoup à te foutre des genres, des modes, du truc du moment. Ce qui compte c’est comment telle ou telle musique, groupe, taré du Kentucky sont au service d’une même tension dans le bas ventre… Là… et Là aussi .
Votre obsession pour le sexe, les drogues et une conception jubilatoire et bordélique de la liberté me fait penser à la littérature américaine des Bukowski, Selby Jr ou encore Burroughs. Est-ce que vous vous sentez proche de cet univers?
Littérature US… Oui pour Bukowski. Après Selby … c’est peut être un peu “dark” pour Vagina. On est un peu moins dans la réalité dure et crue et plus dans l’imaginaire excitant… comme un gros parachute de MDMA entouré de toutes tes meilleures copines, réconfortant comme une chasse au dragon sous une couette en hiver. Pour rester sur la drogue… on parle jamais du coté “négatif” et malheureusement trop réel. Mais bon, la déprime, le manque, la santé qui se dégrade etc … c’est trop réel pour nous… Et puis tu tapes dans un réverbère et t’as 200 Pujadas qui te tombent sur le râble pour te le rappeler… Donc chacun sa merde. Burroughs, j’ai jamais lu perso, je sais pas pour les autres … Après c’est dans ma tête tout ça hein … Alors des fois…tout est pas forcément très logique…

Pour ceux qui, comme moi, ne vous ont (encore) jamais vus en concert, à quoi ressemble un concert de Vagina Town?

Mmmm … On est avec Gina dans un PMU en Vendée devant 2 spectateurs… Elle porte une burka ou un diadème brésilien avec ses petits talons vernis. Tout d’un coup je commence à avoir chaud et le temps de tourner une fois sur moi-même… nous voilà à Charleroi ou au fin fond du Lot et Garonne tous les quatre, à la fin du set je file ma gratte à un mec du public et je cours me cacher sous les jupes d’une fille. Des fois je vomis après le concert pendant que Rachel nous refait la scène finale de Dirty Dancing … Time of my Liiiiiiiiiiiiife….Elan…. Porté ! Boum, … A la fin de la tournée on compare nos contusions… 
La pochette de LSD est superbe. Bravo à celui (ou celle) qui l’a réalisée. Cette dimension visuelle (le vinyle, la pochette,…), c’est quelque chose d’important pour vous?
La fameuse pochette c’est Boris Jakobek, un pote à nous de notre bande du Fouloir qui l’a faite. Du coup c’est un vrai graphiste et sérigraphe qui butte tout !! Donc qu’il fasse la pochette de LSD c’était une évidence. Après plusieurs tests moins convaincant, il nous a proposé cette pochette avec cette photo de meuf issu de vieilles photos (70’s) de camps de naturistes qu’il avait trouvé dans je ne sais quel vide grenier. Un oeil attentif remarquera que la pochette du vinyle est pré-découpée en petits buvards. On doit beaucoup à Boris sur ce coup, je pense que pas mal de gens ont acheté le disque “grâce” à la pochette et au nom … Ah là là, on est vraiment des petites putes… Mais une belle pochette c’est vraiment important quand t’achètes un disque… surtout quand tu peux avoir un mp3 en deux clics à coté, si la pochette est bidon, tu gardes tes thunes pour aller boire un coup ou payer ton loyer. L’intérieur d’ Electric Ladyland de Hendrix , Electric Warrior de TRex, Sticky fingers ou Magestic Request des Stones, Abbey Road des Beatles, la pochette de l’album de Chausse Trappe (faite par Boris aussi, pour THE groupe qui tue tout à Nantes au passage) …

Vous avez un deuxième disque que vous cherchez à sortir. Vous êtes toujours à la recherche de partenaires?
Comme on a arrêté de jouer avec Pim (notre premier batteur) juste après avoir enregistré le disque en question, il y a un an, ça semblait illusoire de prétendre chercher un label sans avoir de formation solide pour faire des live derrière,… enfin façon de parler. Étant donné la précarité financière des micros labels (c’est à dire ceux qui serait susceptibles d’être assez cons pour mettre des billes dans notre panier), c’est impossible pour eux de prendre ce risque sur un groupe qui va peut être se dissoudre ou en tous cas qui tourne pas beaucoup. Y en a qui s’en sont jamais remis (… au prix du pressage vinyle…). Kizmiaz eux, étaient pas chaud, ils “kiffaient pas le son” comme disent les jeunes. Donc maintenant qu’il semblerait qu’on ait enfin retrouvé une formation qui nous permette de nous projeter un peu plus dans l’avenir, on va surement enregistrer un truc genre 45t dans l’année, on va voir … et si les choses continuent dans le bon sens, qu’on arrive à faire de la bonne musique tout simplement , ça risque de se faire un jour ou l’autre pour “Dope for Christmas”, un cadeau de Noël inattendu va savoir … En tous cas moi je le trouve bien ce disque donc je suis confiant.

Quelque chose à ajouter?
Je vais tacher de ne pas en rajouter, parce que là je t’ai pas épargné… et le disque de Robert se finit… 7 joints plus tard, je commence à être un peu défoncé, et mon vieil écran analo de 9 pouces 1/2 commence à bien me niquer les yeux.

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