Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.97 : Treeless Forest

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Plongé dans mes pensées ou dans la contemplation d’une obsédante musculation fessière, il arrive que je me perde dans des labyrinthes. Mes points de repère, tout à coup, s’estompent. Les lignes des bâtiments s’effacent. La ville autour de moi se désagrège comme si le soleil faisait fondre sans prévenir des sculptures de glace. Plus rien de ce que je connaissais ne semble solide. C’est comme si je me trouvais propulsé dans l’un de ces tableaux de Dali où les objets ramollissent jusqu’à perdre leur consistance. Sensation étrange mais, passée la surprise initiale de ces manifestations mentales, j’entrevois les possibilités de réarrangements  multiples qui me sont offertes. Une fois passé ce miroir déformant, le monde est neuf, à renaître, à refaire. Les soleils – il y en a plusieurs dans cette autre réalité – brillent d’une clarté inédite, promesses d’aubes nouvelles et rédemptrices. Si j’étais artiste – peut-être le suis-je un peu, je t’en laisse juge – ce sont ces passerelles entre les mondes que je m’efforcerais de peindre. Des images, des mots, des sons de traverse pour naviguer à ma guise d’un rivage à l’autre. Je ne suis pas artiste – ou alors, rien qu’un peu – alors je laisse à d’autres, qui partagent ces visions, le soin d’édifier ces ponts. Pour les franchir, il faut juste un peu de rêve et de magie, une propension enfantine à l’émerveillement et un guide compétent. Tenez, avec un peu d’entraînement, en passant par Treeless Forest, la Forêt sans Arbres, vous devriez trouver votre chemin.
Treeless Forest, projet solo de l’auteur-compositeur-producteur Tom Bonilla, originaire de Buenos Aires, est un voyage initiatique dans des contrées encore inexplorées. On ne sait pas d’ailleurs si ce périple suit une piste au beau milieu de la jungle argentine ou s’il traverse les méandres du cerveau foisonnant de son auteur. Et c’est là tout son charme. Entre ombre et lumière, l’auditeur se retrouve plongé dans une luxuriance qui, paradoxalement, sait aussi aller à l’essentiel. A l’image du morceau d’ouverture Doppelgänger, Treeless Forest navigue toujours en eaux troubles entre réalité et imaginaire. Psych folk teinté d’electro soft et de beats sud-américains, ce premier EP Through the River, Through the Noise relève du miracle tant la mélancolie qui s’en dégage est prenante et envoûtante. C’est une expérience à part entière qui vous mènera, entre chien et loup, à la recherche de votre double disparu ou dans d’autres quêtes improbables. Embarquer avec lui, c’est prendre le risque de se perdre mais c’est surtout s’offrir une chance de transfigurer la réalité. Le disque flirte en permanence avec le mystère et l’obscurité mais la voix douce et incarnée de Bonilla est un guide rassurant auquel on peut se raccrocher lorsqu’on sent le malaise nous envahir. La beauté vénéneuse de Treeless Forest est de celles qui ensorcellent et qui hantent durablement les esprits.

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