En français dans le texte : Dylan Municipal

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Au gré de mes recherches, notamment pour la rubrique 22 régions 22 groupes, il m’est vite apparu qu’une large majorité de groupes en France écrivent et chantent en anglais. Ce n’est une découverte pour personne et j’ai bien conscience d’enfoncer des portes ouvertes en faisant ce constat. Sans porter de jugement de valeur sur ces artistes qui, pour certains, sont très bons, je trouve un peu dommage qu’il soit si difficile pour des artistes français de s’exprimer dans leur langue maternelle. Les raisons sont multiples et relèvent souvent de l’auto-censure. Le français ne serait pas une langue adaptée à la pop, trop poétique, difficile à manier correctement. En anglais, on peut chanter Baby you can drive my car sans être ridicule alors que tout le monde se bidonnerait si on chantait Bébé tu peux conduire ma voiture. Et puis, les influences, quand on fait du rock ou de la pop, sont majoritairement anglo-saxonnes. On reproduit ce qu’on a toujours écouté. Ces arguments, aussi recevables soient-ils, masquent, à mon sens, des enjeux tout autres. N’écrit-on pas en anglais pour se dissimuler, pour cacher ses sentiments derrière une langue qui n’est pas la nôtre? J’ai vécu un peu à l’étranger et je puis vous assurer que c’est beaucoup plus facile de dire I love you que Je t’aime. Et puis, vu le niveau d’anglais de nos compatriotes, on peut raconter à peu près n’importe quelle connerie sans que personne, ou presque, ne s’en aperçoive. En français, on rame, il faut que ça sonne, que ça ait du sens, tout en évitant le ridicule. On craint toujours de tomber dans la variétoche à la papa. C’est vrai que c’est le truc bien de chez nous de toujours vouloir fourrer les gens dans des cases. Au Québec, ils n’ont pas ce problème et, au final, ils ont une scène francophone souvent bien plus méritante et audacieuse que la nôtre. Un comble, non? Heureusement, il semblerait qu’une nouvelle scène française francophone soit en train de pointer le bout de son nez. Ambitieuse, éclectique, repoussant les barrières que ses aînés avaient érigées, elle fait voler en éclats les étiquettes et redessine les contours de la pop hexagonale. Elle est encore relativement méconnue et insuffisamment soutenue. J’ai déjà évoqué ici Cracbooms, Granville ou encore Les Spadassins. Je vous propose de poursuivre désormais cette exploration dans une rubrique régulière, qui sera probablement amenée à connaître d’autres développements. Pour l’heure, direction le Nord-Pas-de-Calais et la pop en VF de Dylan Municipal.

Surréaliste, foutraque, déjanté, Dylan Municipal est la preuve que, quand on a du talent, on peut tout chanter en français sans sombrer dans le ridicule. Il est question de crème solaire, de mocassins à glands, de surf à Moscou, de curling et de remplacer les cœurs par des culs. Autant dire que devant tant d’audace et de liberté verbale, on finit sur le cœur et on a un énorme coup de cul pour ce groupe extraordinaire. Ces garçons-là sont comme des enfants qui s’amuseraient avec les mots. Ils les prennent, les étirent, les tordent dans tous les sens et, de cette liberté retrouvée, construisent un univers barré à mi-chemin entre onirisme et réalisme. “Je n’suis pas un héron, faut pas croire ce que dit l’étourneau”, chante Damien Breux sur Ouvrez la Cage aux Oiseaux Anthropophages. Absurde? Pas tant que ça. C’est qu’il ne faut pas prendre le cœur de Dylan Municipal pour du poulet. Sous leurs airs de joyeux lurons, jongleurs de mots et faiseurs d’images, se cachent des préoccupations bien plus sérieuses et une véritable réflexion sur ce que devrait être la liberté artistique. Ne pas se fixer de limites, oser la démesure, oser la déraison. Une chose est sûre, c’est qu’ils ne restent pas plantés là, le coeur sur la commode, mais qu’ils ont à cul de défricher de nouveaux horizons et de faire reculer les frontières. Musicalement, ils ne sont pas en reste non plus. Entre électro-pop azimutée, post-punk réfrigérant, envolées jazzy et pop tropicale à la coule, Dylan Municipal démontre que le zigzag est encore la meilleure façon d’avancer. Au diable les lignes droites et les sentiers battus, ils appliquent un traitement de choc à tout un pan d’histoire de la musique indépendante. Radical, génial, inouï. “La meilleure chose arrivée à la pop française depuis “Alouette gentille alouette”, au moins”, comme l’affirme, non sans malice, leur biographie.

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