Hopla Geiss – Ep.16 : The Wooden Wolf

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Ailleurs, il neige. J’ai vu les images à la télévision hier soir. Ici, il pleut. Depuis que le soleil l’a quitté pour d’autres cieux, notre ciel est triste et livide. Il passe ses journées à faire la gueule et à pleurer. Le jour et la nuit se succèdent sans chaleur et sans joie. Les grises mines sont de sortie. Les plus prudents se réfugient dans leur coquille, s’enferment dans leur carapace et se protègent du froid. Seul l’imbécile laisse les portes ouvertes et sourit à s’en user les dents, inconscient des dangers qui le guettent. Heureux les simples d’esprit… Les autres portent le mauvais temps sur leur visage comme un fardeau. Il a déjà asséché leur peau, leurs lèvres. Il s’apprête à ronger leur cœur et leur cerveau. L’obscurité gagne du terrain et les envies d’ailleurs viennent se cogner aux murs de l’ennui. La routine du quotidien, camisole invisible, entrave leurs mouvements. L’imbécile heureux, en face de moi, sourit toujours d’un sourire creux. Je détourne le regard. A travers les vitres, derrière les barreaux de ma prison, le ciel humide douche mes derniers espoirs d’évasion. Enfermé, j’aboie, je hurle à la lune qui ne m’entend pas. Au loin, un autre loup solitaire fait écho à ma plainte. Ma solitude se noie dans la sienne. A l’écart de la meute, nous faisons connaissance, The Wooden Wolf et moi.
Quelque part dans le Sundgau, Alex Keiling, alias The Wooden Wolf, scrute la même lune que moi. Il s’empare de sa guitare et laisse libre cours à ses émotions. Spontanée, libre et sincère, sa musique est celle de l’instant, de l’instinct et des tripes. Celle des coups dans la gueule et des gueules de bois aussi. Un folk sombre et mélancolique qui, de Will Oldham à Elliott Smith en passant par Conor Oberst, assume pleinement ses influences. Jeu de guitare aérien, voix écorchée, Alex chante l’amour qui fait mal. C’est beau et c’est flippant comme une balade en forêt entre chien et loup. L’impression que, d’une main, on vous caresse et que, de l’autre, on vous arrache le coeur avec une cuillère à huîtres. The Wooden Wolf a cette faculté remarquable à vous remuer les entrailles et à s’insinuer dans les tréfonds de votre âme. Il fait ressortir vos échecs, vos désillusions, vos imperfections. Il fait surgir vos démons pour mieux les exorciser. Ça a l’air fou, je sais, et pourtant, c’est ce que je ressens à l’écoute de ces 14 ballads Op.1. Quand les doigts d’Alex Keiling tirent sur les cordes sensibles de sa guitare, quand le violoncelle de Marie Langenfeld pousse de longs soupirs, quand les percussions battent au rythme des coeurs brisés, quand le chant s’emballe jusqu’à l’extrême limite de la rupture, alors quelque chose de magique se passe. Quelque chose que les mots ne suffisent pas à exprimer. Quelque chose de beau, tout simplement.

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