Hopla Geiss – Ep.20 : Chapel Hill

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Ça fait treize ans que j’habite en Alsace. Ma femme est alsacienne. Mes enfants sont nés ici. Je soutiens activement la production des brasseurs et vignerons locaux. Dans un grand jour, je suis capable d’avaler des montagnes de knacks, de monter au sommet de la cathédrale de Strasbourg et de me baigner entièrement nu dans l’Ill. Mais, malgré tout, je ne suis pas alsacien.

Je suis un ch’ti, un vrai. Laissez-moi seul à la mi-temps d’un match de football et vous me retrouvez, la main sur le cœur, à entonner Les Corons de Pierre Bachelet. Mon grand-père était mineur de fond ; il extrayait le charbon des entrailles de la terre. Moi, ce sont les pépites musicales que je m’efforce de faire remonter à la surface.

Nathan Symes non plus n’est pas alsacien. C’est au pied des Appalaches, sur une terre de folkeux, qu’il a vu le jour. Exilé (volontaire) en Alsace – il habite désormais à Wangen, petit village au bord de la route des vins – il n’en développe pas moins, dans sa musique, une esthétique très américaine. Ce n’est pas un hasard si Chapel Hill, le groupe qu’il a formé en 2005, porte le nom de sa ville natale. Faut avouer que ça a de la gueule. Ça vous plante le décor. Imaginez qu’il soit né à Grosbliederstroff ou à Montcuq…

Chapel-(Hill)ier fou au jeu de guitare incandescent, à la voix brûlante comme des charbons ardents, Nathan n’a pas son pareil pour transformer une ballade mélancolique en brasier rougeoyant. Avec ses trois compères, Rym Boos au violon, Grégory Pernet à la contrebasse et Yves Maillé à la batterie, il fait feu de tout bois. Blues, rock, folk, un peu d’essence, une allumette, et le tour est joué. Nos sentiments, plus ou moins avouables, sortent de leur cachette, s’enflamment et partent en fumée. Nathan Symes est un gentleman pyromane. Il y a quelque chose de purificateur dans les incendies qu’il déclenche. 

Oscillant entre ballades empoisonnées, murder-songs venimeuses et folk-rock rageur, Chapel Hill a plus d’un tour dans son sac pour venir nous remuer les entrailles. Mélange d’élégance mélodique et d’énergie fiévreuse, leur nouvel album, One For The Birds, se déguste comme un vieux whiskey et provoque la même ivresse. Il faut s’y abandonner corps et âme pour goûter pleinement à tous les arômes d’un groupe arrivé à maturité. Mais le jeu en vaut la chandelle car, quand le disque aura pris possession de vous, vous ne pourrez plus vous en passer. Vous demeurerez hanté. A jamais.

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