On a tous cette même hantise, quand on glandouille sur le Net au bureau ou à la maison, de ne surtout pas se faire prendre à visionner un site compromettant, ce qui mettrait immanquablement en doute notre moralité et casserait à jamais l’image publique qu’on s’est péniblement construite, jour après jour, auprès de nos collaborateurs et de nos proches. Vous savez à quel point les gens sont mauvaise langue, toujours prêts à colporter les ragots ou à faire enfler la moindre rumeur. Vous regardez naïvement un clip vidéo d’Alizée (qu’est-ce qui vous est passé par la tête, on se le demande!), sans penser à mal, et voilà, de fil en aiguille, qu’on vous traite de pédophile sans autre forme de procès. On a vu des gens traînés dans la boue pour moins que ça. Même la plus petite faute de frappe peut avoir des conséquences désastreuses qui jetteront l’opprobre, non seulement sur vous, mais entraîneront aussi ceux que vous aimez dans une infernale spirale de la honte. Imaginez que vous cherchiez en toute innocence une salopette pour votre dernier né et que, interrompu par la sonnerie stridente et persistante de votre téléphone professionnel, les trois dernières lettres passent à la trappe. 2 t, 1 e qui peuvent vous coûter cher puisque s’affiche sur votre écran et dans toute sa nudité le contenu explicite de salope.com. Embarrassant, n’est-ce pas, si jamais votre patron, au cours de sa ronde matinale, venait à zyeuter par-dessus votre épaule pour jauger l’avancée de votre travail. Si je vous dis tout ça, c’est que moi-même, j’ai bien failli vaciller du côté obscur lorsque, faisant ronronner les moteurs de recherche en quête de nouveaux frissons musicaux, j’eus la bonne idée de taper Bang Bang Cock Cock. Je ne me souviens plus qui m’avait parlé de ce groupe mais, en tout cas, il a bien failli me coûter mon emploi. Je devais être à deux doigts de voir apparaître à l’écran un pénis fièrement dressé lorsque mon patron jugea opportun de venir se camper à côté de mon bureau. Ouf, c’était moins une. Mais, tout de même, on n’a pas idée de choisir un nom pareil. Même si on est le meilleur groupe du monde…
On avait pleuré des larmes de l’animal du même nom quand les Crocodiles, sur le bord de l’Ill, s’en étaient allés. Mais voilà que la moitié d’entre eux s’acoquinent avec le leader de Unfair to Facts pour fonder Bang Bang Cock Cock, avec ou sans espaces, vous leur demanderez. La dernière fois que je les avais pistés, ils avaient trois morceaux absolument gigantesques en écoute. Aujourd’hui, il n’y en a plus qu’un, le somptueux Love Unconditional, un titre qui résume assez bien ce que j’éprouve pour eux. Une musique tout droit venue d’une autre galaxie et d’un futur lointain. C’est tout nouveau, tout beau, psychédélique, pop, électro. Un cocktail explosif qu’ils qualifient eux-mêmes de « Mystic Africunt Machina ». Des rythmiques chaloupées et obsédantes, des envolées mécaniques et célestes qui se drapent dans un léger voile hallucinogène. Il n’y a rien à dire. C’est brillant, efficace, inspiré. Sans doute l’un des meilleurs morceaux qu’on aie entendus depuis le début de l’année, même quand on écoute beaucoup de musique. A se demander ce qu’attendent les Nains Rauques pour les inclure dans leurs Cinq Groupes à Suivre. Peut-être que leurs journalistes flippent de se faire choper par Audrey Poudlard en train de mater des photos indécentes. Sachez, messieurs, que l’orgasme auditif procuré par Bang Bang Cock Cock vaut bien toutes les réprimandes et les licenciements du monde. Et si vous n’aimez pas, arrêtez la branlette, ça rend sourd!