J’ai entendu : Abadabad – The Wild EP

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Elle est bien gentille, la ptite dame de la météo avec son sourire-dentifrice et ses robes légères. Mais là, elle commence à mes les briser sévère. Qu’il preuve, qu’il neige, qu’il vente ou qu’il fasse beau, c’est chaque fois la même chose. Tous les soirs à la même heure, elle exhibe, avec une insolente satisfaction, sa dentition parfaite. Elle compose un sourire qu’aucune intempérie ne fissure. Avez-vous remarqué comme ni le temps qu’il fait, ni le temps qui passe, ne semblent avoir de prise sur elle ? C’est à se demander si là-haut, dans sa tour d’ivoire, à Météo France, elle ne s’injecte pas du soleil par intraveineuse. Ou peut-être qu’elle se fout simplement de notre gueule. A croire que ça la fait marrer de nous imaginer traverser le printemps avec des anoraks et des bottes en caoutchouc. Peut-être qu’elle nous fait croire qu’elle est à Paris alors qu’elle est en duplex depuis un de ces pays lointains où il fait toujours beau. Et nous, pendant ce temps-là, on est comme des cons, les pieds dans l’eau, le moral dans les chaussettes, à regarder passer les dépressions. Et si le soleil n’existait pas vraiment ? Et si, tout ça, c’était seulement dans nos têtes ? Peut-être qu’il suffit juste de l’imaginer pour sentir ses rayons sur notre peau. Ferme les yeux, détends-toi, laisse cette petite musique t’envahir. Ça sent bon les vagues et le sable chaud, tu ne trouves pas ?

A priori, Abadabad, la ville du Pakistan où les services secrets américains ont débusqué et éliminé Ben Laden, n’est pas la destination rêvée pour prendre du bon temps. Probablement pas non plus le premier mot qui me serait venu à l’esprit si j’avais à baptiser un projet musical. Mais je ne suis pas Jeremy Lee Given. Je suis incapable de sortir, de mon chapeau ou de ma guitare, ces pays aux éternels étés, ces atmosphères où les beaux jours s’étendent langoureusement, à n’en plus finir. Les chansons d’Abadabad sont belles parce qu’elles essaient de résister au temps qui passe et, aussi, au temps qu’il fait. Elles sont belles parce qu’elles se battent pour quelque chose de magique et d’impossible. Elles ont la beauté des causes perdues, des cœurs gravés sur le sable par deux amoureux et que la marée efface. Comme un cocktail que l’on savoure à la paille, par petites gorgées, pour le faire durer plus longtemps, le plaisir de ces instants fugaces ne sera bientôt plus qu’un vague souvenir. Les espoirs caressés, les rêves entrevus se heurteront à une réalité inflexible. Tout cela, Given l’a bien compris. C’est ce qui confère à Abadadad, sous ses airs de fausse naïveté, une intense profondeur. Contempler bêtement la surface de la mer, ou plonger à la découverte des merveilles qu’elle recèle, désormais, ami lecteur, la décision t’appartient. Fais le bon choix !


 

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