J’ai entendu : Benjamin Clementine – Cornerstone EP

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J’habite à Illkirch-Graffenstaden – je ne donnerai pas plus de précisions, sinon les fans des boîtes de conserve has been et des bestioles aux dents de lait risquent de venir caillasser mes fenêtres – et je travaille à Strasbourg, ce qui m’oblige chaque jour à un trajet en tramway d’une trentaine de minutes. A moins qu’on aime lire, rêvasser ou observer ses contemporains, cette demi-heure est d’un ennui mortel. A quand de la musique dans les rames du tram strasbourgeois ? Pourquoi ne pas faire la promotion des artistes locaux en les diffusant dans les transports en commun ? Imaginez. Un peu de death metal pour faire fuir les retraité(e)s aux heures de pointe. Du smooth jazz pour se réveiller en douceur le matin. Ce serait pop, non ? Mais, à moins de mettre en œuvre mon programme de dictature musicale, on en est très loin. Sauf à jouer l’autiste avec un casque vissé sur les oreilles, l’espace sonore est occupé par des monologues téléphoniques aussi interminables qu’indésirables, des brouhahas immatures et des cris d’enfants. Une vraie cacophonie. A l’arrêt central, un violoniste, le visage couvert d’un épais bandage, fait la manche pour se payer un nez. Ça fait des années qu’il est là, et toujours pas d’appendice nasal. S’il jouait juste, aussi… Les problèmes de justesse, voilà quelque chose que Benjamin Clementine n’a pas dû connaître souvent.

En effet, le jeune londonien possède une voix miraculeuse. La plus belle qu’on aie entendue depuis longtemps. Une voix qui couvre les vacarmes et qui fend les armures, une voix qui commande aux nuages et qui transperce les cœurs. Une voix qui déchire l’air, qui tonitrue, qui mêle murmure et hurlement, puissance et vulnérabilité. Une voix qui ne triche pas, qui semble avoir déjà tant vécu et être revenue de tout. Benjamin Clementine n’a que 24 ans mais sa voix sonne comme un don, un héritage qui aurait traversé les âges pour venir se loger chez ce gaillard robuste, au regard intense. Son premier EP Cornerstone est la révélation d’un immense artiste. Trois titres fulgurants sur laquelle la voix phénoménale du chanteur d’origine ghanéenne dompte des flots déchaînés de piano. On y entend défiler toutes les vie de Benjamin. De Londres, où il a grandi, à la ligne 2 du métro parisien où un producteur du label Behind le repère et le signe, la trajectoire qui mène Benjamin Clementine vers les sommets aura connu des détours étonnants. Ce succès grandissant est pourtant tout sauf le fruit du hasard. C’est la récompense du travail, de l’obstination et du talent. Au-delà des genres, au-delà de ses références réelles ou supposées, Benjamin n’a pas fini de surprendre et d’émouvoir. Un des titres de l’EP s’appelle I won’t Complain. Nous non plus, on ne s’en plaindra pas.

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