J’ai entendu : Florent Marchet – Rio Baril

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Ça commence comme un western. L’ombre d’Ennio Morriconne plane sur la morne plaine de Rio Baril. Il y aura du sang, des larmes, des histoires de flingues. Pourtant, Rio  Baril tient davantage de la sous-préfecture de province que de la ville du grand ouest américain. Il faut avoir vécu une enfance modeste dans une petite localité provinciale pour saisir pleinement l’atmosphère de Rio Baril. On rêve d’aventures et de grands espaces mais, finalement on reste englué dans une petite vie pépère et gentillette, empreinte de monotonie et de frustrations. Le narrateur voudrait partir, s’évader, mais tout est écrit. On ne quitte pas aussi facilement Rio Baril. Il y a un certain fatalisme chez Florent Marchet. Les représentations sociales se transmettent de génération en génération. Chacun reste à  sa place, socialement ou géographiquement, et, finalement, il n’y a guère que la folie qui permette, mais à quel prix?, de s’échapper.
Rio Baril, album d’une intelligence rare, chronique d’une existence où combattent envies d’évasion et pesanteurs sociales, est peut-être le meilleur disque d’un artiste français depuis le Melody Nelson de Gainsbourg. En tout cas, c’est probablement le plus ambitieux. Déjà, proposer un concept-album à l’heure où la musique numérisée incite plutôt à l’échantillonnage, tient véritablement de la gageure. Il y a chez Florent Marchet un réel amour de la musique et aussi un vrai talent de conteur pour oser ainsi faire fi des modes et des tendances et produire une œuvre intemporelle, autobiographique et  néanmoins universelle. Comme le Gainsbourg de L’homme à tête de chou, Marchet alterne chant et voix parlée. Musicalement, les arrangements sont soignés à l’extrême. Le Florent Marchet, multi-instrumentiste fait des merveilles pour porter des mélodies simples, mais terriblement adaptées à son propos. De quoi réconcilier la pop anglo-saxonne avec la grande chanson française. Les morceaux s’enchaînent en fondu pour marquer la cohérence de l’ensemble. Pas de temps morts entre les différentes scènes, ce qui donne au disque une construction très cinématographique. De même, l’histoire est abordée du point de vue de plusieurs protagonistes, qui apportent un éclairage varié sur les aventures du narrateur originel. A l’écoute de Rio Baril, on comprend que Florent Marchet a assimilé un grand nombre de références, musicales, littéraires et cinématographiques pour produire un disque aussi fort, aussi brillant. On a cité Gainsbourg, mais il y a aussi du Mauriac ou du Claude Chabrol dans l’écriture de Rio Baril.
En bref, un album exceptionnel. Et encore un chef-d’oeuvre qui a échappé aux critiques qui comptent, trop englués dans leur parisianisme méprisant pour saisir le sens profond de Rio Baril.  A (ré)écouter d’urgence. Et, pour ceux qui ne le connaissent pas, vous pourrez découvrir Florent Marchet à l’Illiade d’Illkirch, le 13 octobre prochain…Moi, j’y serai en tout cas.  

2 thoughts on “J’ai entendu : Florent Marchet – Rio Baril”

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