J’ai entendu : James Irwin – Western Transport

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La fin du monde ? C’est fait. Noël, le foie gras, la dinde, la bûche, le vin qui coule à flots, l’indigestion ? Fait. Le père Noël qui, sous les yeux ébahis des plus petits, vient distribuer son lot de cadeaux fabriqués par les mains innocentes d’enfants asiatiques et achetés en dernière minute à l’hypermarché du coin, c’est fait. Et on chante la joie et l’amour du prochain pour se donner bonne conscience, en attendant ce gros plein de soupe, tout de rouge vêtu, avec son bonnet ridicule. Encore un pédophile déguisé, à tous les coups. Qu’est-ce qu’il vous a ramené, à vous ? Une paire de charentaises, un bouquin sur la philatélie, un DVD de Patrick Sébastien ? Si seulement on nous offrait des cadeaux intelligents. Un peu d’imagination, que diable ! Je t’aimerai, Papa Noël, quand tu offriras Le Gai Savoir aux ignorants, l’intégrale des Monty Python aux rabats-joies et le disque de James Irwin à la rédaction des Inrocks. Oui, je suis de mauvaise humeur. Oui, j’ai mal au bide. Et puis, vivre dans un pays où la presse spécialisée encense Lescop mais n’écrit pas le moindre mot sur l’un des très très grands disques de l’année 2012, ça me rend furax. Je suis comme ça… et, si ça vous plaît pas, vous pouvez toujours aller vous faire voir.
Western Transport, de James Irwin, est peut-être le plus beau disque de l’année 2012. Il a fallu que je passe des heures sur un remarquable site australien pour découvrir cette petite merveille. Mais quelle claque ! James Irwin est canadien et, pour ceux qui seraient tentés de le googler, ne faisait pas partie de la mission Apollo 15 , même si, à l’écoute de sa musique, on se dit forcément que le garçon doit avoir les pieds sur terre et la tête dans les nuages. Funambulesques, aériens, fantomatiques, les dix titres qui composent l’album sont tellement beaux qu’il faudrait peut-être, pour les décrire, inventer des mots qui n’existent pas encore. Lévitationnels, narcostalgiques, atmosphénoménaux… et je suis encore très loin de la vérité. Western Transport, c’est la grâce traduite en sons, la beauté capturée en notes de musique. Le disque est fascinant d’un bout à l’autre. Chaque nuance porte en elle sa dose de magie, qui s’enrichit encore au fur et à mesure des écoutes. James Irwin exprime une mélancolie qui confine à l’universel. Tous nos échecs, nos déceptions, nos fêlures, tous les petits bobos qui nous rappellent qu’on est vivants, se retrouvent retranscrits dans cet album. Et chose remarquable, on sent bien qu’on n’a pas affaire à un artiste qui se contemple le nombril et s’apitoie sur son sort. Au contraire, la qualité quasi-littéraire des textes laisse apparaître chez Irwin des qualités exceptionnelles d’observation de ses contemporains et de leurs tourments. Aucun disque, selon moi, n’avait jamais aussi superbement exprimé la mélancolie moderne. James Irwin est, osons la comparaison, le Baudelaire de la pop. Western Transport est un disque magnifique dans lequel vous vous plairez à vous perdre. A chaque nouvelle écoute, vous vous sentirez différent et, d’une certaine manière, grandi…

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