Évacuons la question d’emblée : le hip-hop n’est pas le genre musical avec lequel j’ai le plus d’affinités. Il ne fait pas partie de ma culture. Je n’ai jamais vraiment baigné dedans. J’ai eu une courte période IAM et NTM au milieu des années 90 comme tous les gamins de mon âge. Mais, très vite, je me suis rendu compte que je ne dansais pas le mia et que mes préoccupations d’enfant des classes moyennes étaient très éloignées de celles des habitants d’une cité prête à exploser. Je ne me sentais pas plus attiré par les sirènes du rap commercial. Menelik ? Tu parles d’une aventure. De l’autre côté de l’Atlantique, ni le rap bling-bling, ses chaînes en or et ses filles faciles agglutinées autour d’une piscine, ni la violence surjouée du gangsta-rap n’ont réussi à me faire sortir de ma réserve. Par paresse ou par méconnaissance, je ne suis pas allé voir plus loin, je me suis déclaré incompétent. Pas intéressé. Merci, passons à autre chose, si vous voulez bien. J’ai été con. Combien de trésors me sont ainsi passés sous le nez ? Je n’en ai pas la moindre idée. Des centaines, sûrement. Et puis, un ami qui me voulait du bien et qui, accessoirement était bassiste d’Art District, entreprit de m’initier, ne trouvant d’abord que rejet et mauvaise foi cependant que certains morceaux se frayaient un chemin dans mon subconscient. En dépit des apparences, tout ce travail ne fut pas vain et, bientôt, le déni fit place à la curiosité. J’aurais pu continuer longtemps à faire l’idiot et à rejeter tout en bloc en m’arrêtant à la surface, aux clichés et aux quelques rigolos qui ternissent le travail des autres. Mais, en grattant le vernis, j’ai découvert des trésors d’intelligence, des gens cultivés, passionnés de musique, à mille lieues des images d’Epinal. Des gens comme Roger Molls par exemple.
On ne rattrape pas quinze ans de retard en trois coups de cuillère à pot. Ne t’attends donc pas, ami lecteur, à me voir m’extasier sur la fluidité d’un flow ou la pertinence d’un sample à 2 min 33. D’ailleurs, si tu suis ce blog depuis un peu plus longtemps que les cinq dernières minutes, tu sais bien que l’émotion procurée par une musique m’importe plus que sa technicité. Sur Metamorphosis of Muses, l’émotion est présente du début à la fin. Le titre, la pochette – qui, à elle seule suffirait à justifier l’achat du vinyle – tout cela est déjà révélateur de l’attention portée à tous les aspects du travail. A l’écoute des 16 titres de l’album, on se dit qu’on a affaire à un véritable travail d’orfèvre. Tout sonne formidablement juste. Il y a chez Roger Molls un souci permanent de la mélodie, une musicalité constante, un superbe travail de composition, une volonté indéniable de créer des ambiances, souvent assez sombres, parfois plus légères. Alternant pistes instrumentales et participations de guests venus poser leur flow, sans jamais mettre en péril la cohérence de l’ensemble, Metamorphosis est un disque d’une grande richesse, duquel transparaît un amour immodéré et curieux de la musique. Les samples se mélangent avec originalité (j’ai bien cru reconnaître Françoise Hardy sur Stay Real) et on se laisse embarquer dans cette balade nocturne et cinématographique entre différents horizons ou différentes tranches de vie. On en prend plein la vue pendant tout le temps que ça dure et la dernière piste de l’album, The Muses, délicate ballade au piano, sonne comme si, après une nuit agitée, des anges venaient nous déposer délicatement sur notre oreiller. De ce disque, vous sortirez sans voix, ébahi, enrichi. Eu un mot : métamorphosé.