J’ai interviewé : Savaging Spires

Browse By

Inquiétant mais addictif, le premier album de Savaging Spires ne laissait personne indifférent. Personnellement, j’étais tombé sous le charme de leurs ritournelles hantées et chamaniques (cf Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.37). Alors qu’ils se préparent à sortir, probablement en janvier 2013 un nouveau disque dont  vous pourrez ci-dessous admirer la pochette et écouter le premier extrait, nous avons interrogé ce groupe faussement mystérieux et véritablement authentique. Une bien belle rencontre…

La plupart des critiques que j’ai lues sur vous mettent l’accent sur le fait que vous soyez très secrets. Y a-t-il chez vous une volonté délibérée de vous entourer de mystère?

Non, ce n’était pas délibéré mais les gens se sont simplement mis en tête que nous venions de nulle part alors que nous sommes là depuis des années à faire nos propres trucs dans notre coin sans vraiment trop se soucier de sortir des albums ou de tourner à outrance.
Alors, dans ce cas, pouvez-vous nous dire qui vous êtes, d’où vous venez, quelle est votre expérience musicale et la façon dont le groupe s’est formé?
Nous sommes originaires du centre de l’Angleterre, près de Birmimgham, un endroit horrible et désolé où la créativité et la culture ont à peine le temps de respirer avant d’être mises à mort. Depuis, nous avons déménagé et le groupe s’est disséminé un peu partout dans le pays. Nous nous réunissons quand nous pouvons et nous efforçons de faire naître des chansons de nos longs jams. Je lisais récemment, dans le livre de Michael Azzerad This Band Could Be Your Life, un passage sur les débuts de Sonic Youth et les similitudes entre leur approche et la nôtre, aussi bien au niveau de la structure que de l’écriture, sont étonnantes. La seule différence, c’est que ce sont des musiciens carriéristes qui ont énormément de succès et qui tournent depuis plus de vingt ans. Nous, nous faisons ça juste pour nous-mêmes et nous nous sommes tellement habitués à simplement répéter pendant des heures, à opérer des changements constants dans nos chansons et à  en créer de nouvelles versions que, à la fin, c’était comme si ça n’avait aucun sens de sortir des disques. Et donc, nous avons continué pendant des années sans rien sortir. Il ne se semblait y avoir aucun point de départ ou d’arrivée à ce que nous faisions, ni même aux chansons que nous créions.
Comment décririez-vous le style de musique que vous jouez?
C’est une question extrêmement difficile parce que nous n’essayons pas d’adopter quelque style que ce soit. Cet album est le résultat d’une seule session d’enregistrement où nous avons pris des instruments de manière aléatoire et joué. Ce n’était pas du tout censé être un album mais juste une expérience. C’était semi-improvisé et enregistré en grande partie avec deux microphones. Nous n’avions absolument pas pensé que ce serait commercialisé. L’atmosphère et la texture nous importaient plus que toute autre chose et ce qui en est sorti semblait, à notre grand étonnement, cohérent. Alors on a foncé.
Où puisez-vous votre inspiration?
C’est juste la façon dont le monde sonne à nos oreilles, nos expériences et nos inspirations. Les plus grandse influences au niveau de l’écriture viennent sûrement de mon addiction d’alors aux premiers disques des Go Betweens et au catalogue des anciennes parutions d’Arthur Russell. L’album ne sonne pas du tout comme ces artistes mais j’étais profondément plongé dans leurs disques à ce moment-là.

L’album entraîne à la fois un sentiment de malaise et un intense pouvoir d’addiction. Est-ce l’effet que vous recherchiez?
Non, ce n’est pas quelque chose que nous cherchions, c’est venu naturellement. C’est un disque très honnête et très ouvert mais nous avons senti qu’il serait assez ambigu et mystérieux pour que les gens puissent en tirer ce qu’ils voudraient. Sous plusieurs aspects, quand je dis que nous jouons pour nous-mêmes, je crois aussi que nous créons de la musique qui entre en résonance avec les expériences d’autres personnes. C’est une bonne ligne directrice parce que plus tu es indulgent avec toi-même et plus tu touches à des choses que tu n’arrives pas à expliquer, des choses universelles qui sont reliées à tout et à tout le monde. D’une certaine manière, il faut regarder en soi pour voir l’univers entier. D’autres groupes qui jouent pour divertir échouent à aller au-delà des couches superficielles de la structure et de la mélodie ordinaires et à atteindre le cœur de ce que la musique signifie vraiment pour les gens.

Certains critiques ont dit de votre disque qu’il était destiné à devenir un grand classique. Qu’est-ce que ça vous inspire?
C’est un soulagement de savoir que nous ne sommes pas les seuls à penser que ce que nous faisons puisse être important pour certaines personnes, même si ce n’est qu’un nombre limité de personnes. Au début, lorsque nous avons contacté des grandes publications ou même des amuis qui y travaillaient, on a eu le sentiment que ça n’intéressait personne et que ce n’était pas le style de musique sur lequel les gens avaient envie d’écrire, même si des groupes similaires étaient allés et venus pendant le temps où nous enregistrions pour nous-mêmes. Alors nous avons commencé à l’envoyer à des blogs que nous apprécions et il y en a tout un tas qui ont encensé le disque. Certains l’ont même cité parmi leurs meilleurs albums de l’année. Ces gens ont été une source d’inspiration pour nous. D’ailleurs ce n’était pas seulement une question de bonnes critiques mais il semblait aussi que ces gens qui se sont retrouvés dans ce disque l’ont tout à fait compris. Il n’y avait pas de demi-mesure. Soit c’était bon, soit pas. Extraordinaire ou ennuyeux, ce qui disait plus de choses sur les journalistes que sur la musique en elle-même.

Votre musique s’accompagne d’une imagerie forte. En quoi le fait d’avoir cette identité visuelle est-il important pour vous?
Nous voulions que le visuel qui entoure le disque soit semblable au son qui en ressort et, avec l’aide des mes partenaires du label Critical Heights, Alex et Owen, nous sommes arrivés à ça. Nous sommes montés au Gibet de Combe, au sommet d’un endroit qui s’appelle Gallows Down, au beau milieu de la campagne anglaise. Un endroit beau à couper le souffle. Le gibet en lui-même avait seulement été utilisé autrefois pour pendre deux amants qui avaient une relation et il y avait derrière ça un certain romantisme et une trame qui correspondaient bien aux chansons de l’album. Ça semblait presque conceptuel mais l’histoire, dans un sens, convenait à ce que nous faisions plutôt que l’inverse.

L’album est sorti de puis un bon moment. Quelles sont les prochaines étapes pour vous?
Nous avons un nouvel album prêt à sortir, plus électronique avec beaucoup de synthés vintage et des guitares endiablées. C’est en quelque sorte une progression naturelle mais, dans le même temps, nous allons commencer tout doucement à mettre en ligne des morceaux plus anciens aux côtés des nouveaux enregistrements que nous dévoilerons. Peut-être qu’à la fin de l’année, il y aura une centaine de chansons et les gens pourront télécharger gratuitement ce qu’ils voudront. Quoi qu’il en soit, nous continuerons à faire de la musique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Afficher les boutons
Cachez les boutons