Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.71 : James Canty

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Désormais, dans nos vies pépères d’occidentaux moyens, l’image est partout à tout moment. Qu’on le veuille ou non, nous sommes soumis chaque jour à un flux quasi continu d’informations visuelles. Publicités, télévision, jeux vidéo, écrans d’ordinateur, impossible d’y échapper à moins de fonder une communauté autarcique dans un coin paumé de la campagne auvergnate. Nous sommes tous victimes plus ou moins consentantes de cette dictature de l’image qui nous force à voir et à être vu pour exister socialement. Télé-réalité, réseaux sociaux, blogosphère tendent à confirmer que, aujourd’hui, être, c’est avant tout être vu. Il serait vain de croire que la musique, en tant qu’art des sons, échappe à ce phénomène. Quand on pense aux pochettes de Sgt Pepper’s ou de Dark Side of The Moon, aux maquillages de David Bowie ou aux clips de Michael Jackson, on saisit rapidement quel peut être l’impact de l’image dans la musique. Signe de reconnaissance, vecteur de différenciation, prolongement visuel d’un univers sonore. A plus forte raison, alors que la technologie permet au premier troubadour venu d’enregistrer et de diffuser sa musique, il est assez périlleux de s’appuyer sur la seule qualité de son art pour séduire les mélomanes. A titre personnel, lorsque je navigue sur Bandcamp en quête de nouveaux talents, c’est souvent le visuel qui m’incite ou non à entrer dans l’univers d’un artiste. Alors, naturellement, quand je croise un drôle d’hurluberlu coiffé d’une toque à la Davy Crockett et vêtu d’un T-shirt proclamant au feutre noir “Folk is Dead”, j’ai tout de suite envie d’en savoir plus.
A force de ranger tout et n’importe quoi sous l’étiquette “folk”, il faut bien admettre le terme commençait à être un peu galvaudé. Par conséquent, quand James Canty proclame la mort du folk, c’est aussi une façon de montrer qu’il entend bien le réanimer. Vous lui donnez une guitare ou un banjo, un micro pour chanter et il vous entraîne en l’espace de quelques secondes dans un étonnant voyage musical. Capable à la fois de morceaux épurés qui laissent la part belle à sa voix puissante et chargée d’émotions ou de compositions tous azimuts qui mêlent des traditions musicales issues d’horizons divers, Canty fait preuve d’un talent rare et polymorphe. Entre envolées balkaniques, ritournelles celtiques, chants de marins irlandais et blues acoustique, il déploie une palette riche en couleurs et fertile en imagination. Shark in the Shallows est l’illustration parfaite de cet oecuménisme musical. Ébouriffant d’énergie, foisonnant d’idées et porté par des crescendos de cordes à couper le souffle, ce titre n’est pas sans rappeler, à certains moments, Modest Mouse pour son intensité. Si vous n’êtes pas encore complétement convaincu par la version studio, laissez vous séduire par l’enregistrement live qui est tout bonnement irrésistible.  Hare on The Hill, bien que plus conventionnel, démontre la capacité de James à aller fureter du côté du blues, riffs entêtants et prouesses vocales à l’appui. Quant à Business Man, dont je vous ai déniché une version live qui circule sur le Net, j’ai été carrément abasourdi à la première écoute. C’est Alt-J? Non, juste un mec tout seul avec un banjo. Dingue. Bref, j’adore. Il y a tout chez lui : du groove, de l’excentricité, de l’honnêteté et une énorme dose de talent. Ma seule hâte, maintenant que je l’ai découvert, c’est d’en entendre plus.

OBSCENIC SESSIONS | James Canty | Shark In The Shallows from OBSCENIC on Vimeo.

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