Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.83 : Alpines

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Cher lecteur, chère lectrice, puisque tu me fais l’honneur de m’accueillir en ami sur ton écran d’ordinateur et puisque j’ai le sentiment que, malgré toutes mes turpitudes, tu ne me jugeras pas trop sévèrement, je dois bien te l’avouer: j’ai une fâcheuse tendance à la procrastination. Ce qui n’est pas fait aujourd’hui sera fait demain, me dis-je souvent en me trouvant toutes les meilleures excuses du monde. Et alors que je colle mon nez à la vitre et que je me laisse distraire par le moindre oiseau de passage, le monde, inlassablement, poursuit sa folle fuite en avant, passant de la pluie au beau temps et d’Iphone4 à Iphone5. Ce n’est pas l’automne, les mornes soirées et le vent charriant des flots de feuilles rougies et désolidarisées qui vont arranger mon cas. Absorbé dans la contemplation, les sens aux aguets, alors que tout, par ailleurs, me presse d’être efficace, productif et profitable, je jouis un court instant de ne pas être utile, de ne servir à rien, de ne rien rapporter. Il y a du plaisir dans ce laissez-aller. Quelque chose d’inquantifiable, d’authentique. Il y a de la joie à regarder le monde tourner, assis sur le rebord, l’air de rien ou l’air de s’en foutre comme de l’an quarante. Mais on finit toujours par se faire rattraper par la vie, qui nous somme de combler notre tour de retard, de mettre les bouchées doubles. C’est ainsi que je me retrouve à vous présenter un groupe que les autres écouteront dans un an…découvert l’année dernière ! Si ce n’est pas le comble de l’ironie. En tout cas, les douze mois écoulés auront au moins permis de conforter mon premier avis. Alpines est un groupe hors du commun et ils sont en train de prendre de l’altitude à une vitesse phénoménale.

Il faut dire qu’à eux deux, Catherine Pockson et Bob Matthews réunissent tous les ingrédients fondamentaux de la hype. Ils sont jeunes, délicieusement intrigants et bien faits de leur personne. Des parangons de beauté et de classe vestimentaire. Tout l’attirail nécessaire pour faire la une des magazines bobos branchouilles. Ils sont d’ailleurs d’ores et déjà outre-Manche les égéries d’une marque de prêt-à-porter. Et la musique dans tout ça?, me direz-vous. De ce genre de groupes montés en épingle, il y a souvent lieu de craindre le pire. Eh bien, pour le coup, c’est tout le contraire. La pop crépusculaire du duo, qu’ils qualifient eux-mêmes de night-pop a le mérite de coller parfaitement à l’air du temps alors même que Matthews, en mélomane averti, navigue habilement entre les genres et les époques. Reprenant à son compte des éléments du trip-hop, du dubstep et de la musique industrielle, le tout avec un habillage pop, Matthews construit une musique à la fois séduisante et complexe, capable aussi bien d’atteindre les sommets des charts que de fendre la carapace des auditeurs les plus exigeants. Une synergie parfaite avec la voix magique de Catherine Pockson, qui s’insinue dans vos oreilles avec la même force qu’un pic à glace qui vous crèverait le cœur. Même si, comme le suggère le titre de leur nouvel EP, Early Hours, Alpines n’en est encore qu’aux premiers stades de son développement, le duo révèle déjà une très forte personnalité et une ambition non dissimulée, ce qui est plutôt de bon augure. Reste à savoir dans quelle mesure ils seront capables de confirmer ces bonnes dispositions pour s’établir sur la durée. Assurément, il y a là quelque chose de nouveau, de soigneusement réfléchi, de remarquablement exécuté et de…superbement ignoré par les médias musicaux de ce côté-ci de la Manche. Je vous quitte en musique avec en écoute le nouvel EP et en prime, le morceau Ice and Arrows, qui me fait littéralement fondre de plaisir.

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