Les trésors cachés – Ep.6 : Michel Cloup – Notre silence

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Revenons une dizaine d’années en arrière. Je suis un de ces jeunes étudiants qui auraient toute la vie devant eux si leur vue n’était obstruée par une mèche de cheveux capricieuse. Je viens de quitter mon Nord-Pas-de-Calais natal pour intégrer l’école de commerce de la capitale européenne. Je bois, je fume, pour mieux fissurer ma carapace de timidité. La seule assurance que j’aie, c’est celle de mal finir la soirée. Quand on a 20 ans, il faut avoir un style, appartenir à un groupe. Je suis un gamin solitaire, je sèche les cours pour échapper à la secte du profit, je me rebelle, me prends quelques temps pour la réincarnation de Serge Gainsbourg, je bois, je vomis. Et puis, un camarade de classe m’offre un billet de concert. Premiers pas à la Laiterie. En tête d’affiche, Mickey 3D, déjà médiocre et largement surévalué. Mais, avant que les Stéphanois n’emplissent la scène de leur guimauve irrespirable, je me prends en pleine face un coup de tonnerre musical. Le groupe qui les précède s’appelle Experience. Je me laisse envahir par ce son d’une rare intensité, cette voix qui vous explose à la gueule, ces textes qui vous oppressent comme des directs au foie, cette musique qui ne triche pas. Je ressors groggy, sans le moindre souvenir de la prestation de Mickey 3D. J’achète l’album d’Expérience, Aujourd’hui, Maintenant et je l’écoute en boucle pendant plusieurs semaines.
Je suis trop jeune pour avoir connu Diabologum mais Experience a accompagné une partie de ma jeunesse. Alors, l’annonce d’un nouvel album de Michel Cloup ne pouvait pas me laisser indifférent. Alors que les textes d’Experience traitaient souvent de questions sociales, Notre Silence, premier album publié par Michel Cloup sous son propre état civil, est un disque largement introspectif. Son histoire, nous dit-il en introduction, qui pourrait bien aussi un peu être la nôtre. La quarantaine, à la croisée des chemins, Cloup est à la fois un fils et un père. Il se met à nu, sans fioritures, dévoile son intimité dans des compositions guitare-batterie qui confinent à l’épure. Là encore, il ne triche pas. Ce disque autobiographique est d’une sincérité rarissime. La musique accompagne à merveille sa voix rude et généreuse. Le disque apparaît dans son imparable nécessité, comme si tout ce qui est dit devait l’être à tout prix, comme si il fallait absolument que tous ces sentiments sortent pour continuer à aller de l’avant.

Notre silence est un grand disque nerveux, introspectif et poétique. Michel Cloup a cette capacité rare à mettre des mots sur des sentiments aussi complexes que le deuil, la séparation ou la filiation. Il livre ici un auto-portrait sans ambages et sans concessions, oscillant sans cesse entre la colère et l’amour, n’hésitant pas à appuyer là où ça fait mal, refusant toujours de sombrer dans la facilité. Un disque vertigineux dont vous ne sortirez pas indemne. Un artiste à l’honnêteté irréprochable. A (re)découvrir en live à la Galerie Stimultania le dimanche 12 février prochain. J’y serai…

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