Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.66 : Toy

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Quand vous avez un enfant d’un an et demi et pour peu que vous ne soyez pas maniaque du rangement – une déviance sénile par laquelle ma compagne et moi ne sommes pas guettés – votre salon se transforme vite en musée vivant du jouet. Le moindre pas, si vous n’y prêtez pas la plus grande attention, peut se transformer en une folle arabesque disgracieuse et, sans avoir le temps de crier gare, vous vous retrouvez la tête la première dans une brouette en plastique ou le nez empalé dans un cheval à bascule. Il va de soi que l’enfant, avec son talent naissant pour la marche, est seul maître à bord de ce labyrinthe infernal. Vous vous étalez de tout votre long et lui, ingrat au possible envers son valeureux géniteur, vous saute sur le dos et exige que vous vous muiez, pour son bon plaisir, en cheval de trait. Brave bête que vous êtes, vous vous prêtez au jeu, hennissez comme un cochon qu’on égorge ou comme une vache espagnole pour amuser le fruit de vos entrailles. Votre compagne, trouvant la scène amusante, sort la caméra et se met à tourner une vidéo, qui, quelques heures plus tard, sera diffusée sur les réseaux sociaux, provoquant l’hilarité générale de vos collègues. Moralité : pensez-y à deux fois avant de faire des enfants et, si le mal est déjà fait, surtout n’enfouissez pas votre progéniture dans le jardin, c’est puni par la loi et plutôt mal vu moralement, mais débarrassez-vous de tous ces jouets idiots en bois, en plastique, à roulettes, en formes de fruits, qui menacent votre intégrité physique. Ne cédez pas, soyez intransigeant, surtout sur cette charmante voiture Mickey qui a la fâcheuse manie de se trouver toujours entre le canapé et l’ordinateur et qui continue de parler même quand vous appuyez sur le bouton off. Aucun jouet! No Toy. L’enfant hurlera mais, dégainant votre matériel audio haute technologie, vous lui balancerez, pied-de-nez ultime, Toy, à plein volume dans les écoutilles. Radical!
A ceux qui trouveraient que cette chronique saute du coq à l’âne, en passant par le cheval, le cochon et la vache, je marque une petite pause pour que vous puissiez, à tête reposée, vous repasser le premier paragraphe. Tout le monde y est? OK, on y va! Toy, donc, formation britannique fondée sur les ruines d’un groupe dont je n’avais jamais entendu parler, Joe Lean and the Jing Jang Jong. Il faut dire qu’avec un nom pareil, on n’a guère envie d’aller les chercher sur Google. Laissons Joe Lean à son triste sort et intéressons nous à ses trois acolytes, Jing, Jang et Jong, qui en ont eu marre de la pop pour midinettes et des noms de groupes que personne ne retient. Ainsi naquit Toy, un nom très court pour des garçons et une fille aux cheveux longs mais pas à court d’idées. En cette période où le rock à guitares est peu à peu supplanté par le tout-électro, nos chevelus prennent le contrepied des modes actuelles et s’aventurent sur des terres lointaines que l’on croyait depuis longtemps désertées. Leur musique est un concentré d’érudition. Je vous l’affirme, ces jeunes gens connaissent leur histoire du rock sur le bout des doigts. Aux influences évidentes du krautrock germanique (Neu!) viennent se mêler un soupçon de shoegaze, une pincée de post-punk et un zeste de psychédélisme. Leur premier single, en écoute ci-dessous, démontre une étonnante capacité à tenir l’auditeur en haleine sur des morceaux hallucinants et non formatés qui oscillent sans cesse entre caresse délicate et coup de poing dans le nez. Un répertoire aux titres denses et hypnotiques qu’ils ont pu rôder en assurant la première partie de The Horrors et qu’on a hâte de découvrir sur un format album. Les esprits vieux jeu pourront toujours m’opposer, que Toy fait du neuf avec du vieux. Ce n’est complétement faux mais leur façon de mélanger intelligemment les styles et les décennies les protègent de toute tentation de plagiat. Et puis des bonnes vieilles guitares à l’ancienne, ça fait tellement de bien par où ça passe que je suis prêt à tout leur pardonner…

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