J’ai entendu : Girls in Hawaii – Everest

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J’étais parti pour te parler d’autre chose. De la pluie, du beau temps. Des résultats du foot, peut-être. Ou des travaux dans ma rue. Échanger quelques banalités, faire la conversation. Rien de bien important. D’ailleurs, tu vois bien, je ne m’en souviens même pas. Mon esprit se baladait – ça lui arrive souvent – et, soudain, sur le chemin de mes pensées, se dressait une montagne. Majestueuse, immense, inattendue, elle se tenait là, devant moi, comme un défi à ma petitesse. Je la contemplai, ébahi de la trouver là où les jours, les mois, les années précédents, je m’étais habitué à trouver le vide. Je m’étais mis en tête que c’était fini, qu’à cet endroit, l’herbe ne repousserait jamais. Je m’étais fait une raison. Je m’étais forgé une certitude que je ne prenais plus la peine de questionner. Et maintenant, elle était là, devant moi, incontournable, et c’était tout ce qui comptait. Ils l’avaient appelée Everest, comme le sommet le plus haut. Le plus beau. Le plus dangereux aussi. Dompter les vagues leur était devenu dérisoire. Ils allaient désormais prendre de la hauteur, s’asseoir sur le toit du monde. Eux, ce sont les Girls in Hawaii. Le plus grand groupe belge du monde.

J’attaquai l’ascension par la face Nord. The Spring. Misses. We are The Living. La montagne n’offrait guère de prises à l’escaladeur novice. Je dus m’y reprendre à plusieurs fois avant d’entrevoir un passage entre les rochers. Je craignais les éboulements, les avalanches. Mais, malgré mes mains calleuses et l’air qui venait à manquer, je ne me décourageai pas. J’escaladai encore. L’atmosphère était parfois pesante, mais je n’étais pas mort (Not Dead). Et si je voulais toucher du doigt, ne serait-ce qu’un instant, l’ivresse des sommets, il fallait que je continue à grimper. Switzerland. Mallory’s Height. Continuer malgré le manque et l’absence. C’était aussi le défi de Girls in Hawaii. Alors, bien sûr, ce vide est omniprésent sur Everest. Il n’y a qu’à lire les titres des chansons pour s’en convaincre. Même le titre de l’album, Everest, comme Ever Rest, résonne de cet écho tragique. Continuer, surmonter la disparition, c’est déjà quelque chose. Je ne veux pas m’appesantir sur le contexte dans lequel ce disque a été élaboré, mais, d’une certaine manière, Everest sonne comme une thérapie de groupe. Comme une transition aussi. Rien ne sera jamais plus comme avant pour les Girls in Hawaii. D’ailleurs, certains fans de la première heure pourraient bien être déboussolés par ce nouvel album. Là où les deux premiers LP séduisaient par leur légèreté, Everest est traversé par un sentiment de gravité solennelle. Parfois, la noirceur l’emporte et l’atmosphère devient pesante. Mais souvent, comme sur Not Dead, un rai de soleil perce les nuages et l’éclaircie l’emporte. Et alors, c’est juste beau à pleurer. Ce que les Girls in Hawaii ont perdu en naïveté, ils l’ont gagné en maturité, ce qu’ils ont perdu en spontanéité, ils l’ont gagné en cohérence. Une évolution forcée par le destin, mais qui, en imposant aux Belges une quête de sens nouvelle, les emmène vers des horizons nouveaux, plus loin et, surtout, plus haut.

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