J’ai entendu : Mia April – Faster

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A cette heure avancée de la nuit, dans cette éternité éphémère qui sépare la folie du samedi soir et le repos dominical du guerrier, les corps effrénés se tendent et se déchaînent sur les pistes brûlantes des dance-floors. Agitation moléculaire, affinités électives, ils se rapprochent, s’enlacent, s’embrassent, s’entassent. Dans un abandon d’une poétique légèreté, les amants nouveaux-nés semblent flotter à quelques centimètres du sol. Lèvres aimantées, langues qui se délient. Chimie complexe et enivrante d’un premier baiser. Les vaisseaux sanguins se dilatent. L’oxygène afflue au cerveau. La respiration devient plus profonde. Les terminaisons nerveuses des lèvres envoient des messages subliminaux au cerveau. Le baiser est la cocaïne du pauvre. Je les ai vus s’élever l’espace d’un instant. Leurs lèvres se sont frôlées et, soudain, intervalle magique, la gravité n’existait plus. Corps enlacés, embrassés, entassés, en apesanteur. Moi, je les regarde. Je ne danse pas car les danseurs doivent être parfaits ou ne pas être. Accoudé au comptoir, je commande un énième whisky-coca que je sirote avec nonchalance. Moi qui, dans une vie antérieure, devais être pendule arythmique ou vieux coucou désossé, j’envie la facilité avec laquelle les corps en fusion se laissent porter par le rythme de la musique. Ils tournent, virevoltent et cabriolent, comme si leur équilibre dépendait de ces mouvements, comme si l’avenir du  monde ne résidait que dans les oscillations de leurs bassins. A cet instant précis où toute erreur d’aiguillage devient crime contre l’humanité, le maître de cérémonie est condamné à la perfection. Un disc-jockey en mal d’inspiration, ce sont autant de baisers non transformés, autant de Mozart qu’on assassine. Heureusement, Mia April est revenue du futur pour nous sauver. Last night, a DJ saved my life. Il avait passé Mia April.

Pour ce que j’en sais, Mia April est originaire de Lyon mais elle pourrait tout aussi bien être l’émissaire d’une civilisation lointaine et technologiquement supérieure à la nôtre. Son premier album, Faster est un Objet Musical Non Identifié, au confluent du rock, de l’électro, de la pop ou encore du funk. Mais si cultiver l’éclectisme est une chose, en dégager un univers fort et cohérent en est une autre. Mission accomplie avec ce disque fiévreux et incandescent qui ravira et les corps et les âmes. Il se dégage de ce rock nerveux passé au crible de machines sophistiquées une intensité rarement atteinte sur la scène hexagonale. Bien sûr, il y a la voix magnétique, triturée, torturée, envoutante de Mia mais Faster doit aussi beaucoup à la qualité de sa production. De ses collaborations avec Ben Biif et Jas (du duo WAT), DaTraxer (producteur house) ou encore avec son batteur Fat Kick Joe, la chanteuse a réussi à trouver un son ra(va)geur et une puissance de frappe qui lui permettent de s’exprimer de manière optimale. Tout au long des dix titres de l’album se dégage une volonté sans failles de repousser les limites et de faire voler en éclats les consensus. Catchy et sauvage à la fois, sexy et violent, saisissant et insaisissable, Faster porte bien son nom tant on a l’impression, à chaque seconde, de franchir le mur du son. Qu’on se le dise haut et fort, nous sommes en présence de quelque chose de phénoménal. Le sentiment diffus que Mia April a quelques années-lumière d’avance sur la musique. Attachez vos ceintures. Décollage immédiat…

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