J’ai interviewé : Bo Keeney

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Bo Keeney (cf Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.92) est tombé tout petit dans la marmite musicale, il compose ses chansons dans un conteneur qu’il quittera sans doute bientôt. C’est certainement l’un des grands talents de demain. Il aurait pu être élu Meilleur Espoir Masculin aux J’ai tout lu, tout vu, tout bu… Awards. Et il accepté de répondre à quelques questions…

Quels sont tes premiers souvenirs musicaux ?

Mon souvenir le plus ancien est lié à la musique. Je me rappelle que je rampais sur ce sol au carrelage noir et blanc et Because des Beatles, sur Abbey Road était en train de passer. Je crois que c’était dans l’ancien salon de ma mère en Californie – elle était coiffeuse. Elle parlait avec un ami et je me rappelle avoir pensé que la musique ressemblait à une araignée. Ça avait le son d’une araignée. Je me souviens que je l’écoutais jouer des chansons en acoustique, des chansons très douces de Joni Mitchell entre autres et je me souviens aussi des trajets en voiture avec mon père où il écoutait Metallica ou des trucs qui crachaient dans les enceintes, dans la vieille Honda rouge et sale qui était pleine d’emballages de Burger King et qui sentait la cigarette. Mais moi, j’aimais l’odeur de ses cigarettes. Et je me rappelle de lui mettant Birdland de Weather Report pour la première fois. Ça m’évoquait ces versions animées des bandes dessinées Snoopy, où, pour je ne sais quelle raison ils mettent du jazz fusion en fond sonore. Je ne me lasse toujours pas de ce morceau. Si tu l’écoutes, tu trouveras probablement que c’est naze. Mais, pour moi, il y a quelque chose de spécial là-dedans.
Tu as été élevé par des parents mélomanes. A quel moment as-tu décidé que tu serais musicien ?
Je pense que, depuis que je suis petit, j’ai toujours eu en tête de devenir musicien, batteur mais plus en marge d’une autre carrière comme, par exemple, pompier. Mais j’ai vraiment commencé à prendre la musique au sérieux quand j’ai eu des difficultés à l’école, vers mes 12 ans et j’ai entendu Stevie Wonder et Funkadelic pour la première fois. Leur musique était tellement vivante et colorée. Et vraiment complexe. Alors que j’étais vraiment amer et perdu avec l’école, ce genre de musique m’a ouvert une porte qui m’a amené vers beaucoup d’autres musiques et c’est là qu’a vraiment commencé mon obsession pour la musique enregistrée. Et puis ça a commencé par susciter mon intérêt pour la basse, qui m’a ensuite mené à la guitare puis aux claviers et ainsi de suite.
Ta mère a joué avec plusieurs groupes de punk ou de hard rock. A-t-elle été déçue que tu ne veuilles pas être membre d’un groupe de rock ?
Pas du tout. Je ne crois pas qu’elle ait eu envie que je joue tout de suite de la guitare parce que mes parents m’ont emmené à des tas de cours de batterie et ils ne voulaient pas que ce soit en pure perte. Mais je ne pense pas qu’elle ait voulu que je fasse un job de bureau quelconque parce qu’elle nous a toujours élevés avec de la musique et des arts. Et elle savait que je voulais faire mon propre truc et que personne ne pouvait m’en détourner. Je suis vraiment têtu.
Pourquoi es-tu si déterminé à travailler comme un one-man-band ?
Ce n’est plus le cas et, pour être honnête, ce ne l’était que quand j’avais 12 ou 13 ans et que j’écoutais pour la première fois Stevie Wonder, D’Angelo et d’autres trucs. Je n’avais pas vraiment le choix parce que je n’avais personne d’autre qui veuille faire les choses à ma façon. Je n’avais pas les moyens de payer des gens ni aucune réputation pour qu’ils aient confiance en ce que je faisais et je n’étais pas enclin à laisser des gens farfouiller dans les chansons sans y accorder beaucoup de soin et d’attention. Donc le plus facile, la plupart du temps, c’était de tout faire moi-même, parce que je savais que l’ensemble serait cohérent. J’ai commencé avec ce PC et un micro et j’ajoutais tout, couche après couche. En travaillant de cette façon depuis mes premiers enregistrements à 15 ou 16 ans, j’ai pris l’habitude de concevoir une chanson comme un arrangement complet, une chanson aboutie dans mon esprit. Je ne travaille plus tellement comme ça. Je laisse la porte ouverte. Mais quand on conçoit une chanson de cette façon, comme un morceau entier, la seule façon de la terminer et d’avoir la sensation de lui rendre justice, c’est de la faire comme on l’avait imaginée. Et, dans la pratique, ça voulait dire tout faire moi-même. C’était épuisant. Malgré tout, j’ai toujours collboré avec des gens quand je le pouvais mais c’était toujours des musiciens que je respectais vraiment ou dont j’avais le sentiment qu’ils pouvaient donner à la chanson quelque chose dont j’étais incapable.
Combien d’instruments sais-tu jouer ?
Je n’en joue plus autant qu’avant, c’est devenu idiot. Je joue toujours de la guitare, des claviers et je chante, principalement. Et je fais des battements avec mes mains. Mais je jouais beaucoup d’harmonica et de batterie aussi. J’en ai juste eu assez de vivre reclus et creuser ma propre tombe en contrôlant chaque aspect de chaque morceau. Maintenant je suis plus intéressé à faire quelques trucs vraiment bien, à finir les projets rapidement et à en faire beaucoup plutôt que de m’enterrer dans des projets individuels pendant des mois. Ça donne plus de fraîcheur à l’ensemble. J’en fais autant ou plus que j’en ai jamais fait mais, chaque jour, c’est nouveau et je crois que c’est ce qu’il me faut pour fonctionner. Je suis plus ouvert à un fonctionnement collaboratif mais j’ai encore besoin de créer moi-même le coeur de chacune de mes chansons.
Quelles sont les musiques qui figurent actuellement sur ton MP3 ?
Je n’ai pas de lecteur MP3. J’écoute toujours la musique sur mon Mac. Quand je prends le train ou autre chose où beaucoup de gens écouteraient leur MP3, généralement j’écris des paroles. Mais j’ai une playlist iTunes avec des tas de nouvelles musiques que j’écoute beaucoup ces derniers temps. En voici quelques-unes :
– Ode to Viceroy de Mac de Marco (une chanson qui s’adresse à ses cigarettes)
Putty Boy Strut de Flying Lotus (rythme syncopé, belle fin)
Jasmine (Demo) de Jai Paul (plus tu l’écoutes, meilleur ça devient, il est à peu près aussi funky que Prince, si c’est possible)
Mind Mischief de Tame Impala (parce que je craque pour tous les accords de 7ème majeurs et mineurs, et les fills de batterie tout du long sont tout à fait mon style)
Us against Whatever Ever de Ghostpoet (je m’en lasserai jamais, je l’écoute depuis quelques années)
– le remix par Skrillex et Nero de Holdin’ On de Monsta (ouais, c’est Skrillex et il y a un peu de mauvais de goût là-dedans mais c’est quand même sacrément énorme)
J’en ai beaucoup d’autres en ce moment. Il y en a 91 dans cette playlist. Mais j’écoute tous les styles de musique. Je négligeais juste les trucs actuels. J’en écoute bien plus aujourd’hui.
C’était comment de passer des mois dans un conteneur pour faire de la musique ?
En fait, j’y suis encore ! Je suis dans le conteneur en ce moment même. Ça va, ça pourrait être pire. Il y a des prises électriques et une lumière, donc ce n’est pas une fosse ou quoi que ce soit qu’on puisse imaginer. J’ai le sentiment que ça fait peut-être partie d’un processus de purge, comme une opportunité d’apprendre quelque chose sur moi-même. D’une certaine manière, je suis en quelque sorte piégé ici. C’est une question d’argent, c’est un studio très bon marché. Mais c’est vraiment le genre d’endroit rare où tu peux faire énormément de bruit jour et nuit, puisque c’est isolé de la ville. Et ça tue ma motivation si j’ai envie de faire de la musique et que je dois le faire calmement. Ça transparaît dans l’écriture. Donc, dans ce sens-là, c’est super. Mais il faut que je déménage bientôt parce que ce n’est pas sain d’être aussi isolé. J’en ai pleinement conscience. Il n’y a même pas de connexion Internet. Même tes questions, j’ai dû les lire sur mon téléphone et je vais les enregistrer sur une clé USB. C’est tellement paumé. Des fils barbelés et des caméras de surveillance, rien autour hormis un complexe industriel. Mais il n’existe aucun endroit pareil à celui-ci.
Quand j’écoute ta musique, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de limites pour toi. Quelles sont les prochaines étapes de ton développement ?
La prochaine étape, c’est de bouger loin de l’étape précédente. Je veux être plus honnête dans mon écriture et me focaliser sur mon son unique plutôt que de sauter d’un style à l’autre de manière parodique, ironique comme je le faisais. Je pense que je suis prêt maintenant. Et j’ai envie de sortir toute la musique que j’ai finie. Ça me démange vraiment, ça me rend malade qu’elle ne soit pas sortie parce que j’ai désespérément envie que les gens puissent l’écouter. Et plus vite j’aurai fini cette musique, plus vite je pourrai quitter ce conteneur et déménager. Donc pour le moment, je reste patient, très concentré et j’écris tout le temps. Donc les prochaines étapes, c’est a) écouler la pile de musique finie, b) terminer la musique sur laquelle je travaille actuellement, c) sortir de cet endroit, d) faire de la musique deux fois meilleure.
Et en VO :
What are your first musical memories? 
My earliest memory is of music actually. I remember crawling on this black and white tiled floor, and ‘Because’, by the Beatles, off the Abbey Road album, was playing. I think it was my mother’s old salon in California – she worked as a hairdresser. She was talking with a friend, and I remember thinking about how spidery the music sounded.. it sounded like a spider. I rememember listening to her play songs on her acoustic, really sweet Joni Mitchell ones and things, and driving in the car with my Dad when he’d have Metallica or something blasting out of the speakers, in this dirty old red Honda that was filled with old Burger king wrappers and it smelled like cigarettes. But I loved the smell of his cigarettes. And I remember him putting on ‘Birdland’, by Weather report, for the first time. It reminded me of those animated versions of the Snoopy comics, where they put jazz fusion as the soundtrack for some reason. I still can’t get enough of the track.. if you listen to it you’ll probably say it’s corny. But there’s something special in it for me. 

You were raised by music-loving parents. When did you decide you were going to be a musician too? 
I think I always had an idea when I was small that I’d be a musician, a drummer, but more on the side of another career, like a fire fighter or something. But I really took music seriously when I was having a hard time at school, when I was about 12, and I heard Stevie Wonder and Funkadelic for the first time. Their music was just so alive and colorful. And really intricate. So being really bitter and confused with school, that sort of music opened up a door for me, in that it led me on to alot of other music and really started my obsession with recorded music. And that got me really interested in the bass to start with, which led to guitar and keys and so on. 

Was your mother disappointed that you did not want to be in a rock’n’roll band? 
Not at all.. I don’t think she wanted me to play the guitar at first because my parents took me to alot of drum lessons and they didn’t want that to go to waste. But I don’t think she really wanted me to be in a regular 9 to 5 job because she always raised us with music and art. And she knew I wanted to do my own thing and that nobody could put me off it or tell me otherwise. I’m really stubborn. 

Why are you so determined to work as a one-man band? 
I’m not anymore, and only was, to be honest, when I was maybe 12 or 13 and first listening to Stevie and D’angelo and other things. But I just kind of got forced into it by the fact that I didn’t have anyone else who would do things that way I wanted them. I didn’t have money to pay people to do it, or any reputation for people to have confidence in what I was doing, and I wasn’t open to just letting someone trample all over the songs if they weren’t going to put alot of care and attention into it. So the easiest way, alot of the time, was just to put the tracks together myself, because I knew how each part was going to fit together. I started off with this PC and one mic, and I would layer everything up piece by piece. So with it being that way from when I first started recording tracks on at 15 or 16, I would always conceive a song as a full arrangement, a completed song in my mind. I’m not doing that so much anymore, I’m leaving the door open. But when you conceive a song that way, as a completed track, the only way to finish it and really feel you did it justice is to do it the way you intended. And in practice that equaled doing everything myself. It’s been exhausting. I’ve always collaborated with people though, when I could, but they were always musicians I really respected, or really felt could contribute something to the track that I couldn’t. 

How many instruments can you play? 
I don’t play as many as I used to, it just got stupid. I still play guitar, keyboards and sing mostly. And I make beats with my hands. But I used to play alot of harmonica and drums too.. I just got sick of sort of being a recluse and nailing my own coffin shut by controlling every aspect of every track. I’m more interested now in just doing a few things really well, finishing projects fast and doing lots of them, rather than getting buried in individual projects for months at a time. It keeps everything fresher. I do as much or more than I ever did, but every day it’s new, and I think I need it to be that way in order to function. I’m more open to the process being collaborative now, but I need to create the core of each of my own songs myself. 

What’s currently on your mp3 player? 
I don’t have one! I always listen to music off my Mac. When I’m on the train or anything like that where a lot of people would listen to an mp3 player, I’m usually writing lyrics or something. But I’ve got an iTunes playlist with loads of new music I’ve been listening to alot lately. Some of the ones I’m listening to are: 
Ode to Viceroy by Mac de marco (a song to his cigarettes), 
Putty Boy Strut by Flying Lotus (skittery rhythm, beautiful ending), 
Jasmine (Demo) by Jai Paul (the more times you listen to it the better it gets, he’s about as funky as Prince, if that’s possible), 
– Mind Mischief by Tame Impala (cause I’m a sucker for all the major and minor 7 chords at the end, and the lazy drum fills all over it are totally my style), 
Us against whatever ever by Ghostpoet (which I’ll never get sick of, having listened to it for a couple years), 
– the Skrillex & Nero remix of Holdin on by Monsta (yeah it’s Skrillex, and there’s something tasteless about it but it’s just so fucking huge!!). 
There’s a whole lot of others at the moment.. there’s 91 in that playlist. But I listen to every kind of music, I just used to neglect the stuff that was current. So I listen to more of that now. 

How was it like to spend months in a shipping container to make music? 
I’m actually still there! Im in the container right now. It’s alright, you could do worse. It’s got electric sockets and a light, so it’s not a pit or anything if that’s what some people would picture. It feels like maybe it’s part of a purging process, like an opportunity to learn something about myself or something. In a way, I’m sort of trapped here, it’s a money thing, this is a really cheap studio. But it’s a really rare sort of place in that you can make massive amounts of noise all day and night, since it’s isolated from town. And it just kills my motivation if I want to make music and I have to do it quietly.. it comes through in the songwriting. So in that way it’s great.. but I’ve got to move on very soon, cause it isn’t healthy to be so isolated. I’m totally aware of that. There’s no internet connection or anything.. even these questions I had to read off my phone and I’m gonna put them on a USB stick. It’s such an isolated place.. barbed wire fences and CCTV cameras outside, nothing around it but an industrial estate. But there’s no place like it. 

When I listen to your music, it seems that the sky’s the limit for you. what are the next steps? 
The next step is to move far away from the last step.. I want to be more honest in my songwriting, and hone in on my unique sound, rather than jumping from style to style in a pastiche, tongue-in-cheek way like I’ve been doing. I think I’m ready to do that now. And I want to release all the music I’ve got finished. It’s giving me a massive itch, it’s actually making me sick that it’s not released because I want so badly for people to hear it. And the sooner I’ve got the finished music out, the sooner I can get out of this container and get moving. So right now I’m just being patient, just staying on the ball and writing all the time. So the next steps: a) put out the pile of finished music, b) finish the music I’m working on, c) get out of this place, d) make music that’s twice as good.

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