Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.69 : Kiran Leonard

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Alors que ce matin, plus de 300 000 lycéens de Terminale se grattaient la tête devant des sujets de philosophie du baccalauréat, j’écoutais de la musique sur mon lieu de travail, confortablement calé dans mon siège de bureau. Travailler, est-ce seulement être utile? Que gagne-t-on en travaillant? Je m’affale de plus en plus dans mon fauteuil, je surfe sur le Net, consulte les sujets qui font transpirer nos futurs bacheliers et qui, dans quelques heures, seront l’objet de toutes les conversations, je fronce les sourcils, prends un air pénétré et, joignant l’acte à la parole, je me pose ces quelques questions. Pourquoi une telle obsession du travail? Les sujets ont-ils été choisis avant l’alternance politique? Faut-il travailler plus pour gagner plus? N’y a-t-il pas des choses plus importantes que le travail? La culture, l’amour, le bon vin, la littérature, la grande musique? J’y pense, et puis j’oublie. Le téléphone sonne, je décroche. Nanani Nanana, bonjour! Travailler, est-ce seulement être utile? Sommes-nous bons à autre chose? Jeunes bacheliers, ayez de l’appétit pour la vie, les rencontres, les occasions de plaisir, travaillez pour vivre, ne vivez pas pour travailler. Ne vous tuez pas pour engraisser des ingrats qui vous remplaceront à la première incartade. Devenez irremplaçable aux yeux de ceux qui comptent vraiment. Trouvez ce pour quoi vous êtes doué. Oui, même toi, le cancre, là-bas, près du radiateur, tu dois bien être bon à quelque chose. Regardez Kiran Leonard. 16 ans à peine. Même pas l’âge de passer le bac et déjà l’un des plus grands espoirs de la scène musicale britannique.
Bon, j’avoue que, là, ça m’a fichu un sacré coup de vieux. Le mec a la moitié de mon âge et je n’ai pas la millième de son talent. Pendant que je décroche le téléphone, Nanani Nanana, Bonjour!, il sort Bowler Hat Soup, un album ambitieux et d’une étonnante maturité. Le pire, c’est que ce n’est même pas son coup d’essai. Il a déjà sorti un premier disque en 2011 et, auparavant, il faisait de la musique électronique sous l’appellation Pend Oreille. Putain, 16 ans? C’est une blague ou un génie, ce mec? Ecoutez Bowler Hat Soup et vous l’aurez, votre réponse. Kiran Leonard est à peu près à la scène indépendante ce que Rimbaud fut à la poésie: un génie précoce et prolifique qui ne tombe pas dans la facilité. Un musicien capable de papillonner entre les styles avec une effarante facilité. Comment, en si peu d’années, a-t-il réussi à emmagasiner tout ce bagage musical? Il joue sur l’album plus d’une vingtaine d’instruments, et il n’a même pas l’air de trouver ça extraordinaire. Quand je vois qu’avec 30 années au compteur, je peine encore à dompter une six-cordes bien capricieuse entres mes mains malhabiles, je me dis que le garçon se fout vraiment de notre gueule. Ou alors, comme Obélix, il est tombé dans la marmite quand il était petit. Kiran Leonard est un phénomène, capable de passer en un clin d’oeil de l’intense théâtralité de Dear Lincoln à la perfection pop de Brunswick Street. Il chante merveilleusement bien, assume ses influences éclectiques sans jamais se laisser écraser par ses illustres aînés, maîtrise l’art de composer des morceaux pop finement ciselés, à la fois entraînants et complexes. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, vous vous retrouverez à chantonner ses chansons sous la douche ou au bureau. C’est déjà du très grand art. Vous en entendrez reparler, c’est certain. A mon sens, ce ne sont encore que les prémices de l’éclosion d’un énorme talent…




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