Les trésors cachés – Ep.12: Jun Miyake – Stolen From Strangers

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Ami lecteur, je dois te faire un aveu. Crois moi, ce que j’ai à te dire n’est pas facile. Tu ne t’imagines pas les tourments que j’endure à cet instant précis. Rongé par la culpabilité, je ne savais plus vers qui me tourner pour soulager mon cœur de ce poids qui l’attire chaque jour de manière plus certaine vers la chute. Qu’il me soit permis de répéter une fois encore, avant que tu ne me juges, avec ta sévérité coutumière, que j’aime profondément ma femme et mon fils. Sans eux, je serais devenu clochard ou alcoolique, ou j’aurais sombré dans l’auto-détestation. Au lieu de cela, j’ai tout l’amour dont j’ai besoin et un métier, idiot certes, mais qui m’offre suffisamment de liquidités pour payer mes factures et entretenir une coûteuse maîtresse. Voilà, la chose est dite. Une maîtresse. Est-elle belle, jeune, bien roulée, avec des seins ronds et lourds, une paire de fesses rebondies et un sexe accueillant? Oui, elle est tout ça et bien plus encore. Au petit matin ou au crépuscule, après le dîner ou pour un 5 à 7, elle est toujours d’attaque, prête à me faire jouir de plaisir. Dans la chambre, dans la douche ou sur la machine à laver, à la maison ou au bureau, elle m’accompagne sans relâche, fermement décidée à assouvir mes moindres désirs. Parfois caressante, elle m’enveloppe de ses baisers et m’irradie de douceur. A d’autres moments, elle se fait nerveuse, n’est plus que muscles tendus et étreintes fiévreuses. Le tempo s’accélère et nos têtes viennent frapper en rythme contre le mur tant et si fort que le bâtiment menace de s’écrouler. Elle n’a pas de nom ou en a tellement que j’ai perdu le compte. Elle est d’ici et d’ailleurs. Elle est d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Je la porte tatouée sur mon corps et dans mon cœur. La musique.
Alors, lorsque j’ai découvert, il y a quelques jours, ce disque splendide de Jun Miyake, Stolen From Strangers, j’en suis tombé aussitôt éperdument amoureux. Depuis une trentaine d’années, le musicien japonais a chaussé ses bottes de sept lieues pour parcourir le monde en long, en large et en travers. De ses voyages et de ses innombrables rencontres, il a inventé une musique qui se joue de toutes les contraintes spatio-temporelles. Une sorte de kaléidoscope, de melting-pot de ses myriades d’influences, astucieusement intitulé Stolen From Strangers. Miyake, accompagné ou plutôt accompagnant, à chaque escale de son périple, une pléiade d’autochtones, offre un disque en forme de road-movie entre le Brésil, la France ou l’Amérique. Musicalement aussi, entre bossa-nova, jazz, electro ou encore chœurs bulgares, on voit du pays. Pour quelqu’un d’autre que Miyake, l’exercice, périlleux, aurait pu aisément virer au gloubi-boulga indigeste. Mais le globe-trotter japonais a l’humilité et l’intelligence de se faire tout petit devant l’émouvante beauté de la musique. C’est la marque des grands musiciens que de savoir se laisser envahir par la musique, se laisser habiter par elle et s’en faire le modeste véhicule. Une bande-son universelle. Un disque à emporter tout le temps et partout dans ses bagages.

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